1238
venir au monde.
fils aîné d'une famille haut placée en Noryonne, ville minière renommée et abritant de grandes familles de Bélès, il avait rapidement été négligé par sa mère. dévorée par une dépression du post-partum, celle qui aurait souhaité avoir une fille ne se reconnut jamais dans ce petit garçon qui lui, n'attendait que son amour. les mots ne furent jamais doux, le ton jamais caressant, et il manqua d'affection, gorgeant une faille aux allures de trou béant dans laquelle se mêlèrent la sensation de n'être pas assez bien, le dégoût de soi-même et la volonté de faire mieux, toujours.
1248
survivre.
trois filles étaient venues au monde, trois sœurs qu'il aimait profondément mais jamais il ne pardonna à sa mère de le traiter comme ça, de le délaisser pour ne s'occuper que d'elles. son père était un amour, une force de la nature comme peu existent et s'il le couvait de regards affectueux et aimant, il ne s'opposait jamais à celle qu'il avait épousée, embrassant la douceur du foyer et l'absence de conflits comme un mantra dans la vie. il ne lui fut jamais d'aucun secours lorsqu'Elle le frappait de ses mots, ou qu'elle laissait courir des mots douloureux à son encontre - lorsqu'elle lui disait qu'il ne valait rien. il se tourna vers la religion à cette époque et trouva dans le culte de Dhyrmis de nombreuses réponses - parfois, il s'assoupissait dans le sanctuaire réconfortant qu'était son temple et il s'imaginait qu'il était en réalité son fils, et qu'elle venait le retrouver pour une vie pleine de l'amour de celle qui l'avait porté en elle.
1253
pouvoirs.
depuis tout jeune il avait compris qu'il possédait de doux pouvoirs et l'imagination ruisselait en lui, où qu'il soit. s'il s'en était d'abord servi en cachette, pour amuser ses sœurs, sa mère avait vite compris et le dessin était devenu l'excuse pour ne plus l'avoir dans les pattes. il vécut alors une étrange période, faite de rebondissements et d'ascenseurs émotionnels - les études le comblait dans ce qu'il était de plus profond et les périodes passées à la maison le renvoyait dans ses craintes et à nouveau, il était petit garçon inutile, que sa mère n'aimait pas. il développa une haine des femmes tenace, qui ne cédait que face à la compétence - tant qu'elles n'avaient pas prouvé leur valeur, il voyait en elles les reflets de celle qui lui avait donné la vie, affalée sur son canapé, le corps dégoulinant de toutes parts, répugnante et repoussante.
1260
sentinelle.
alloué aux connaissances de l'empire, il avait la lourde charge d'étudier la magie sous toutes ses formes et de tenir les registres syran. très peu connus par les membres de la communauté, ces registres recensaient tout ce qui s'était fait comme greffe au travers les âges, les différentes manifestations de la magie au travers les peuples et races. c'était un grand pouvoir qu'il possédait entre ses mains et pendant un temps, il s'en contenta.
1268
trahison.
mais il lui fallut plus. il voulait goûter au vrai pouvoir, il voulait plier les autres à sa volonté, il ne désirait rien de plus qu'être enfin reconnu. et pour cela, il fit le pire des marchés. les ombres s'étaient refermées sur lui, un soir, dans une ruelle, et il avait compris que quelqu'un s'approchait et surtout, qu'il possédait la capacité à gommer les siennes. mais ils ne firent que parler, longtemps, souvent, et le marché avait été énoncé. en échange de ses connaissances, ils lui fourniraient des sujets pour ses expériences, ils lui offriraient le pouvoir à n'en plus savoir quoi faire... alors, il fit ce qu'on attendait de lui, le coeur ravagé par l'ambition et peu important ce qu'il adviendrait, peu importait si l'archonte n'allait être que le premier d'une longue lignée et qu'il l'avait lui-même livré à ceux qui voulait également son propre trépas. il serait suffisamment fort pour les affronter, ensuite.
1268
fuite.
en fuite, traqué, menacé, parjure à sa patrie, les doigts serrés autour du pendentif représentant la déesse Dhyrmis il chuchotait pour qu'on le sauve, il n'espérait rien de plus que remonter le temps, empêcher ce qu'il avait fait. le long des champs, il courrait, affrontant la nuit pour disparaître et il quitta le pays syran, pour s'enfoncer dans les ombres. disparaître, et revenir plus fort.