hold me tight in your arms - ft. Iris

hold me tight in your arms
ft @Iris Dragan

Voiles noires quittent mers pour rejoindre terre ; plusieurs mois passés à naviguer, explorer, loin de tout, loin de tout le monde. Escale imprévue suite à la mort de l'archonte, le voyage avait été rallongé pour finaliser les ordres. Assise sur le rebord du navire, les yeux absorbés par les lumières du port faisant barrage au voile obscur de la nuit grandissante, Ëryn attendait de pouvoir descendre de là, bercée par les vagues s'écrasant sur la coque abîmée par les nombreuses épopées. Elle n'avait eu de cesse de repenser à ce jour où elle s'était immiscée dans l'assemblée maussade pour apprendre l'existence de ces assassins purificateurs et sentir la peur brûler ses viscères jusqu'à ce que ce sentiment néfaste ne puisse plus lui échapper. Le voyage avait été éprouvant, bien plus que d'habitude ; la psyché toujours envahie par cette crainte que ces nuisibles n'apparaissent sans crier gare pour lui arracher ce qu'il lui restait encore à aimer sur ces terres déchues, sans qu'elle ne soit là pour les défendre... Elle ne craignait pas pour sa propre vie ; prête à rejoindre les Enfers si le fil de sa vie devait être coupé prématurément, mais elle se sentait incapable d'échapper à ce funeste destin si les seuls piliers de sa maudite existence venaient à s'effondrer sous les coups d'émissaires incapables de vivre au milieu de la sorcellerie. Ses songes avaient été inondés par les seuls souvenirs restants de sa mère ; celle qui s'était battue pour qu'elle développe son don et puisse en user sans s'effondrer au bout de quelques secondes. Cauchemars bercés par cette même phrase en boucle «tu en auras besoin, ça te sauveras la vie sûrement un jour» ; elle avait remercié à de maintes reprises la fillette d'autrefois et ses refus d'écouter la matriarche car aujourd'hui, c'était sûrement ça qui allait la sauver.

Les souvenirs s'effacent tandis que le navire s'amarre enfin ; étirant ses membres pour les réveiller, Ëryn quitte le rebord pour ancrer ses pieds sur le pont. Les membres de l'équipage s'empressent de rejoindre les terres à tour de rôle ; regard jeté en direction de Molech, Ëryn flâne à son tour vers la planche reliant le navire au port afin de quitter son statut corsaire pour redevenir ombre au milieu des autres. Elle s'élance vers Orveil, solitude à ses côtés, les yeux plongés dans la pénombre des chemins dépourvus de toute source de lumière et étouffée par la fatigue qui se veut toujours plus envahissante ; soudain, silence s'évapore sous le bruit d'une branche écrasée et elle se tourne avec hâte pour chercher sa provenance avant de poser les mirettes sur ce visage inattendu. “Iris?!” Rictus qui ne tarde pas à apparaître, elle s'élance dans sa direction sans perdre un instant, l'entourant de ses bras et plongeant son museau dans son cou pour déguster chaque nuance de cette odeur délectable qu'elle n'a pas eu l'occasion d'humer depuis longtemps. “Tu vas bien ? Dis moi que tu vas bien...” Elle s'éloigne de quelques centimètres, posant ses mains sur ce visage angélique pour scruter la moindre potentielle blessure. “Comment as-tu eu vent de notre arrivée ?” Mirettes se remplissent de larmes tandis qu'Ëryn commence une nouvelle étreinte. “Tu m'as manqué... Tu m'as tellement manqué Iris...”      

La mort de l’archonte était un véritable désastre. Personne ne l’avait vu venir, ni les assassins chevronnés de l’empereur ni elle. Iris n’avait pas entendu les murmures de ce bras de la rédemption, pas même l’évocation de ce dernier. Elle avait failli à son devoir et se sentait tellement coupable qu’elle n’osait prendre de véritable repos avant d’avoir pu récolter des indices. Ce groupement semblait bien organisé, gardait bien ses secrets et ses membres ne commettaient pas d’erreur.

Pour le moment.

Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne se sentent pousser des ailes, qu’ils commettent une faute. Iris sillonnait la capitale de long en large, laissant trainer ses oreilles un peu partout, veillant sur Nelis discrètement, jetant un œil sur Arlo sans qu’il ne s’en doute et espérant à tout prix que les voiles noires ne soient pas rappelées au port.

Malheureusement, ce ne fut pas le cas.

Perchée sur le plus haut toit de la capitale, Iris observe le navire revenir paisiblement vers le port. Elle avait écouté, longtemps, espéré presque autant de temps, avant de voir au loin la silhouette qu’elle n’attendait pas. Alors, elle était restée accroupie sur le toit, songeuse. Les voiles noires avaient été rappelées et avec elles, sa chère Eryn. Iris aurait préféré qu’elle reste à bord, au milieu de l’eau, saine et sauve. Si Iris n’avait que peu de magie ; pas eu le temps de développer un quelconque potentiel au sein des laeris, sa protégée en possédait beaucoup plus. Elle ne souhaitait pas la voir revenir à terre parce que surveiller une personne de plus lui prendrait encore plus de temps. Mais Iris, elle le ferait, parce qu’elle pouvait bien faire ça pour prendre soin des personnes qu’elle aimait. Celles qui la rendait meilleure chaque jour, qui lui faisait découvrir le monde sous un autre jour.

La nuit commençait à tomber doucement tandis que le navire s’approchait dangereusement. Elle aurait bien voulu qu’il ne puisse pas s’amarrer, que l’eau ne les laisse pas s’approcher, mais rien de tout ça. Iris ferma les yeux avant de bondir et de s’élancer de toit en toit. Elle avait toujours aimé faire ce genre de parcours, mêlant agilité et habileté, vitesse et précision. Elle adorait trouver les petites failles qui lui permettrait de descendre ou encore de monter. Et c’est ce qu’elle fit, descendant sans ralentir cette petite maison. Une fois à terre, elle se cacha avec sa capuche, et prit la route dans les ombres vers le port.

Elle l’attendait, comme souvent, cachée. Iris n’appréciait pas vraiment le capitaine du navire mais qu’importe, tant qu’il prenait soin d’Eryn, elle pouvait bien faire un effort. Elle observa les membres de l’équipage se fondre dans la nuit et retint son souffle lorsqu’elle aperçut la jeune femme descendre presque nonchalamment du bateau. Un sourire naquit sur les lèvres de l’espionne, impressionnée par la beauté de la jeune femme qu’elle était devenue. Pas de trace de peur, elle s’enfonçait juste dans la nuit. Iris fit craquer une branche afin de se faire connaitre, attendit une réaction puis un regard qui s’accrocha au sien.

Iris ouvrit les bras juste à temps pour réceptionner Eryn, frottant machinalement son dos, ravie qu’elle semble en bonne santé et sauve. Elle s’inquiète, elles s’inquiétaient toutes les deux pour l’autre. La syran remit doucement une mèche de cheveux derrière l’oreille d’Eryn en souriant.

« Je vais bien. »

Murmura-t-elle. Du mieux qu’elle pouvait du moins. Elle ne se sentait pas en danger dans la ville, du moins, pas autant que ses amis qui possédaient plus de magie qu’elle. Iris ne savait pas ce qui se passerait le jour où elle mettrait la main sur ce bras de la rédemption, mais elle agirait sans doute à l’instinct. Elle n’était pas infaillible, mais elle ferait tout pour garder son pays et plus que tout, sa famille en sécurité.

« Depuis quand les rôles se sont inversés, dis-moi ? » dit-elle en souriant. « Ce serait plutôt à moi de te demander comment tu vas. »

Eryn l’observe, semble chercher une blessure qu’elle ne voit pas. Des blessures, il y en avait. Des souvenirs de voyage d’espionnage, mais elle n’en verrait rien. Elle ne verrait pas non plus les blessures émotionnelles d’un travail mal accompli, d’une inquiétude grandissante pour sa capitale, la ville où elle était née. Parce qu’Iris avait toujours eu envie de la protéger, même lorsqu’elle était partie voguer sur les vagues avec ce navire qui décidemment ne lui inspirait pas confiance.

L’espionne prit un air mystérieux et à la fois très sérieux.

« Le vent… et mes yeux. »

Elle ne lui dit pas qu’elle a guetté son arrivée, qu’elle a vu le bateau sur les flots depuis longtemps. Elle a écouté le vent, écouté ce qu’il avait à lui dire et elle a vu ce qu’on lui avait murmuré.

« Toi aussi tu m’as manqué, Eryn. »

Dit-elle en séchant une larme sur la joue de sa petite sœur afin qu’elle ne coule pas. Elle lui caresse les cheveux doucement et tente de la calmer. Iris, elle n’est pas très douée quand il s’agit de montrer ses sentiments, presque tout se passe à l’intérieur.

« Viens, marchons un peu. » Iris la prend tout contre elle, au cœur de la nuit. « Parle moi de tes voyages et de tes aventures et nous pourrons aller manger chez moi. »

Elle préférait ne pas être dans la ville la nuit avec Eryn afin de ne pas la mettre en danger. Iris avait toujours eu à cœur de la protéger, et plus que tout aujourd’hui. Elle ne supporterait pas qu’il lui arrive quelque chose parce qu’elle n’était pas sûre de pouvoir s’en remettre.

Iris, les sens plus que tout en alerte, fait semblant de rien. Rien ne peut leur arriver parce qu’elle se battrait comme une lionne pour protéger cette petite sœur qu’elle s’était trouvée.

hold me tight in your arms
ft @Iris Dragan

Une étreinte et le monde s'arrête de tourner ; une caresse et son cœur se remet à fonctionner. Sans Iris, la vie n'était qu'une succession de minutes sans saveurs ; elle était cette épice douce et subtile qui suffisait à remplir les papilles d'Ëryn d'un délicieux mets appelé bonheur. Elle était cette étoile maîtresse dans l'océan de ses pensées, celle dont la lumière était si forte qu'elle devenait impossible à oublier. Iris était les organes vitaux de sa carcasse déchiquetée, elle, qui s'était empressée de recoller les morceaux de cette fillette maltraitée pour panser les plaies et lui offrir une vie meilleure, loin des coups, loin des maux, loin des enfers. Elle était la seconde partie de son âme, le pilier principal de son être, l'ange qu'elle n'avait jamais pensé connaître un jour, sa sauveuse, sa sœur, son autre.  

Les bras qui s'enroulent autour de la taille d'Iris, l'échine qui profite de ses caresses pour relâcher les muscles et se laisser bercer par cette tendresse retrouvée. “Depuis que je suis assez grande pour te protéger à mon tour.” Elle se retire tendrement, les mains toujours ancrées dans le dos d'Iris, le regard qui se mélange au sien pour ne plus se détacher. Du jour où elle l'avait sauvé, jusqu'à aujourd'hui, l'espionne avait toujours veillé sur Ëryn, sans jamais faillir à sa tâche, lui offrant jusqu'à l'espoir d'une nouvelle vie aux côtés d'Arlo. Fillette fragile devenue vipère des ombres, Ëryn était déterminée à lui rendre la pareille ; nul ne pouvait oser poser une main sur Iris sans que la lame vengeresse de la corsaire ne vienne lui arracher un dernier souffle sous la douleur. “Je vais bien aussi.” Mensonge s'envole dans les airs, les doigts se croisent pour apaiser la tromperie. Palpitant qui brûle depuis plusieurs jours, alimenté par une psyché qui ne cesse de lui offrir son visage pour lui rappeler sa défaite ; télépathie utilisée vainement pour contrer l'imagination d'un traître, corps demeure depuis douleur.
Mais, bercée par les retrouvailles inattendues, Ëryn se terre dans le mutisme pour ne pas briser la sérénité déjà fragile de l'instant. Un pouce vient effacer la larme volatile et un faible sourire apparaît sur les lippes de la corsaire ; elle lui dira plus tard ou peut-être jamais. Habituée à conter ses exploits et à voir dans les yeux d'Iris une certaine fierté inespérée, vipère refuse aujourd'hui de lui confesser cet échec et les multiples douleurs qui martèlent son être à chaque nouveau pas. “La mer a été clémente pendant le voyage... Tout le contraire du chaos qui règne sur l'Empire...” L'étreinte d'Iris vient réveiller un peu plus les douleurs de la récente altercation et Ëryn grimace dans l'ombre en tournant la tête à l'opposé des yeux de sa grande sœur. “Figure-toi que je suis partie à la recherche d'un trésor... Et que j'ai failli me chopper une sale maladie là-bas, à cause d'un vieux que Molech m'a demandé d'interroger. C'était une sacrée aventure même si j'ai fini par perdre mon calme. Je n'ai vraiment aucune patience.” Un rire pour détourner les pensées du calvaire, un baiser qui vient se déposer sagement sur la joue d'Iris comme pour la rassurer. “Ce qui me plaît le plus dans ces expéditions, ce sont les paysages. Atalan est magnifique. Mais les mois sans toi deviennent de plus en plus difficiles. Surtout en ce moment. Je n'arrive pas à supporter l'idée de te savoir en danger avec ce qu'il se passe. ”      

Iris n’était peut-être pas ravie du retour d’Eryn sur la terre ferme, mais elle était toujours heureuse de la revoir et de prendre de ses nouvelles. Il était important pour elle que sa protégée soit en bonne santé et qu’elle se sente bien dans le chemin qu’elle avait pris. Chacun sa voie, même si elle sépare les gens qui s’aiment. Iris l’avait appris lorsqu’Eryn lui avait dit qu’elle souhaitait voyager sur ce navire. Ça n’avait pas été facile et elle était allée voir Arlo, puis Nelis afin de demander conseil. Iris ne savait pas tout, continuait à apprendre malgré les années et espérait continuer à découvrir de nouvelles choses jusqu’à la fin de sa vie.

Il serait bien vain de dire à Eryn, de lui répéter même, qu’elle n’avait pas besoin de la protéger. Iris se débrouillait seule depuis longtemps, lancée sur une voie dont elle ne voyait pas encore la fin. Elle n’était pas vraiment seule non plus, mais ne se sentait pas le besoin d’être protégée. Un jour, peut-être. L’espionne lui sourit tendrement en lui caressant les cheveux. Le geste était beau et ne méritait pas qu’on le bride.

Iris observait tout autour d’elles, espérant que personne d’autre n’était là à les écouter. Rassurée, elle pouvait pleinement se concentrer sur le mensonge d’Eryn. Il suffit d’un frisson, d’un regard, de prunelles qui dévient, d’un battement de cœur différent pour qu’elle comprenne. Elle fronça les sourcils mais choisit de ne pas en parler maintenant. Plus tard, elle irait à la pêche aux informations.

Et tandis qu’elles marchent, Eryn lui raconte. La mer qui a été clémente la rassure. Elle n’aime pas trop la mer, Iris, n’a pris le bateau que deux fois. Elle préfère la terre ferme ou les airs. Grimper, escalader et s’envoler. Elle savait nager, du moins, il y a longtemps, elle avait appris à nager. Peut-être qu’elle ne saurait plus, maintenant. Iris se promit d’essayer dès qu’elle en aurait l’occasion. Ce serait une autre activité à cocher sur sa liste de choses à faire. Mais Iris, elle fronce les sourcils et son humeur devient plus sombre à l’évocation du chaos régnant dans l’Empire. Oui, ça ne sera pas facile. Mais les fidèles de l’Empereur débusqueront les traitres. Elle n’en doutait pas.

Elle l’écoutait lui narrer sa chasse au trésor, la maladie qu’elle avait presque eue et le calme qu’elle n’avait plus. Iris souriait, ne doutant pas une seconde de ce qu’elle venait de lui dire.

« Et Molech ne savait pas interroger ce vieux lui-même ? »

Si c’était pour rendre maladie sa Eryn, il pouvait bien prendre sa place. Iris se demandait parfois à quoi servait ce capitaine sur ce navire, mais elle n’en dit rien. Pour Eryn, qui semblait à sa place dans l’équipage et pour Arlo.

Elle laissa flotter le baiser sur sa joue et en souriant. Eryn était bien différente d’elle, plus confiante, plus sauvage, plus belle. Et ça, Iris en était fière. Elle n’avait rien fait, mais elle tenait à la jeune femme qu’elle devenait.

« C’est vrai qu’Atalan peut être magnifique. » dit-elle en se rappelant de tout ce qu’elle avait déjà pu visiter et des vues qu’elle s’était offerte en grimpant montagnes et falaises. Mais elle n’avait jamais rien vu au niveau de la mer. « Je ne suis pas en danger, je n’ai quasiment aucune magie en moi. » Presque. Elle n’était jamais allée chez l’analyseur, s’étant enfuie avant. Est-ce que sa greffe pouvait compter comme de la magie ? Elle n’en savait rien. Iris essayait de la rassurer comme elle pouvait. « C’est pour toi que je m’inquiète. Pourquoi êtes-vous revenus, vous êtes bien plus en sécurité en mer que sur terre. »

Demanda-t-elle, inquiète en ouvrant la porte de sa petite maison. Il n’y avait pas grand-chose, peu d’espace car elle voulait garder son argent pour plus grand pour plus tard si un jour elle trouvait quelqu’un avec qui le partager. Et ce n’était pas nécessaire que ce soit grand, Iris était tout le temps en vadrouille ; pour l’empereur, son frère, Beren ou encore les capitaines. Et quand elle n’était pas en mission, elle passait voir Arlo et restait souvent chez lui. Sans parler de Nelis, chez qui elle s’incrustait plus que nécessaire. Iris n’avait pas vraiment un chez elle. Juste des endroits qui lui appartenait. Mais elle était bien payée et avait tout le nécessaire pour ne jamais tomber à court de quoique ce soit.

« Tu as faim ? »

Demande-t-elle. Oh, Iris n’était pas la plus douée en cuisine parce qu’elle n’avait jamais eu d’autre modèle que Nelis qui se contentait du minimum. Mais elle apprenait. Elle voulait faire au mieux. Elle leur servit deux verres d’un vin qui lui avait été conseillé avant de faire du feu. Il ne faisait pas si chaud mais la pièce se réchaufferait bien vite. Iris s’installa sur le canapé en regardant Eryn d’un air mystérieux, munie d’un demi-sourire.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Si elle pensait qu’Iris n’avait rien remarqué, elle se mettait le doigt dans l’œil. Mais elle n’essayerait pas de savoir à tout prix, respectant le jardin secret de sa petite sœur.

« Est-ce que je peux t’aider ? »

Iris n’avait pas beaucoup de préoccupations si ce n’est son travail. Peut-être qu’elle travaillait trop, préférant se plonger là-dedans plutôt que de penser au fait qu’elle finirait peut-être seule. Quand Arlo partira avec son amant de toujours, elle sait que son cœur se brisera un peu. Nelis vaquait à ses occupations et Eryn prendrait toujours la mer avec plaisir.

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ft @Iris Dragan

pourquoi êtes-vous revenus ?

Mutisme mortifère, les lippes qui se serrent. Douleur lancinante qui provient à nouveau de cette plaie ancrée sur sa cuisse ; nouvelle cicatrice créée par les purificateurs, témoin de ce danger permanent qui règne à présent sur l'ensemble d'Atalan. Le regard qui se pose sur le sol, elle s'avance, Ëryn, sans dire un mot de plus, se contentant simplement d'hausser les épaules. Les ordres de Molech ne cessent de se répéter dans la psyché ; trouve-le. détruis-le., et elle avait essayé, jusqu'à faire brûler son âme en tentant d'utiliser ses pouvoirs. Mais il s'était enfui loin d'elle, tandis qu'elle se battait contre la pénombre, contre les tourments, et depuis il était ce Némésis s'amusant à marteler ses songes ; il était ce visage ne cessant de la hanter, lui faisant éprouver cette rage démesurée et cette obsession nouvelle ; elle était perdue, Ëryn. Partagée entre l'idée de le retrouver pour accomplir sa mission ou simplement comprendre pourquoi il lui avait laissé la vie sauve alors qu'il avait eu l'occasion de mettre fin à son existence.
Le navire s'était amarré pour qu'elle puisse se lancer de nouveau à sa poursuite, elle en était persuadée, même si Molech s'était contenté de se terrer dans le mutisme sans lui en donner explicitement l'ordre.
elle devait réparer ses erreurs, elle devait lui ôter la vie... mais en était-elle réellement capable ?  

Elle s'immisce dans la demeure d'Iris, posant les yeux sur cet univers qu'elle n'avait pas eu le plaisir de contempler depuis longtemps. Rien n'avait bougé, comme si, finalement, Ëryn ne l'avait jamais quitté. Elle se tourne sur elle-même en soufflant légèrement, heureuse de retrouver un peu de familiarité et de confort, loin de l'odeur soufrée des mers et des lits de fortune du navire. “Je ne dirais pas non pour un bon repas chaud.” Les repas à bord des voiles obscures ne pouvaient être qualifiés de délectables ; les provisions étaient importantes, mais il fallait rationner pour éviter toute pénurie et Ëryn se contentait parfois de quelques mets, juste assez pour que les viscères évitent de crier famine, juste assez pour obtenir la force nécessaire pour voyager et se défendre.

qu’est-ce qui ne va pas ? est-ce que je peux t’aider ?

j'ai peur d'abandonner iris... j'ai peur de ne pas y arriver.
tu ne peux rien faire, ne te mets pas en danger.

Les doigts frôlent le verre, les griffes s'attellent à y glisser quelques fissures imperceptibles. Le regard absorbé par les flammes grandissantes, l'échine se réchauffe doucement et le mutisme revient. Le cœur battant toujours plus fort dans la carotide comme s'il allait s'en échapper, le corps se met à trembler doucement ; les yeux comme reflets de l'âme, Iris arrivait à déceler toutes les émotions qu'Ëryn s'efforçait de dissimuler. Elle lisait en elle comme dans un livre ouvert, parvenant à comprendre ses joies et ses peines sans qu'elles n'aient besoin d'échanger quelques mots. Ëryn le savait ; il était vain d'essayer de ne rien lui dire, elle allait le découvrir d'une manière ou d'une autre. “J'ai échoué Iris... On m'a donné un ordre et je n'ai pas réussi.” Elle se pose à ses côtés, dévoilant les ecchymoses violacées et jaunâtres inscrites le long de ses côtes. “J'ai essayé d'utiliser la télépathie, mais mon corps a encore rejeté la magie. J'ai mal dès que je me déplace... mais je suis revenue ici pour réussir à accomplir la tâche que l'on m'a confiée.” Elle pose le verre à moitié vide sur le sol, attrapant par la suite les mains d'Iris avec tendresse, caressant du bout des doigts sa peau. “Je te demande juste de ne pas t'en mêler. J'ai échoué une fois, ça ne recommencera pas. Je suis forte, j'y arriverai même si mon corps doit en payer le prix. Je me relèverai toujours, tu le sais bien.” Les mots sortent avec facilité, mais les songes pensent le contraire. Elle se sentait faible, presque qu'incapable de rivaliser avec la magie adverse, mais elle devait essayer ; elle ne pouvait pas se permettre de devoir annoncer un nouvel échec.
Peu importe les conséquences.     
     

Eryn semblait se perdre dans ses pensées. Se lover dans un mutisme qu’elle ne souhaitait pas lever. Iris savait qu’elle n’avait pas le droit de la forcer à révéler ce qu’elle ne voulait pas, même si ça lui en coutait. Elle s’imaginait alors sa petite sœur en danger et elle n’aimait pas ça. Elle avait bien compris que chacun devait trouver son chemin, commettre ses propres erreurs et se relever pour continuer d’avancer. Eryn faisait cela à la perfection.

Iris finirait par savoir pourquoi ils étaient revenus, ce n’était qu’une question de temps, mais elle n’avait pas à l’apprendre de la bouche d’Eryn. Elle se contenta donc de laisser le silence s’installer sans ajouter un mot. Le regard vissé sur les flammes, les jeunes femmes ne bougèrent pas pendant un moment. Chacune perdue dans ses pensées. L’espionne devait apprendre à laisser couler, à respecter les demandes d’Eryn, mais la savoir en danger ne rendait pas les choses faciles. Comment on faisait pour ne pas intervenir ? Iris ne saurait pas fermer les yeux.

Elle leva le regard vers Eryn qui se mettait à parler. Iris but un peu de vin en l’écoutant attentivement. Elle avait apparemment échoué l’une de ses missions. Elle se demandait bien en quoi elle avait échoué mais ne dit rien en attendant la suite, parce qu’il y aurait une suite. Elle la regarde alors s’asseoir à ses côtés et lui dévoiler ses bleus tout le long de ses côtes. Iris se tourne vers elle, ne touche pas mais observe, les sourcils froncés. Ce n’étaient que des bleus, rien de grave, mais la bataille aurait pu finir autrement. Sa cible s’était donc échappée, préférant la fuite que le combat. L’information était intéressante.

Elle lui parle de sa télépathie, de sa magie grandissante et de son échec à la contrôler. Iris ne savait pas vraiment l’aider dans ce domaine, n’ayant jamais eu à faire à cette magie, ni à aucune autre. Elle se sentait désespérément impuissante et ça la rendait malade. Eryn lui attrapa la main qu’elle lui céda volontiers.

Ne pas intervenir.

Elle savait qu’elle lui demanderait ça, mais comment pouvait-elle faire pour ne pas intervenir ? Pour éviter de voir tout le corps de sa magnifique Eryn se transformer en ecchymose ? Comment faire laisser faire ? Iris n’était pas du genre à fermer les yeux sur ce genre d’incident. Qui plus est quand cela concernait une personne qu’elle aimait. Iris pencha son visage légèrement sur le côté en la regardant. Elle posa doucement sa tête contre la sienne en soupirant.

« Oh Eryn… » souffla-t-elle « C’est difficile ce que tu me demandes. » lui murmura-t-elle. Elle savait qu’elle devrait accepter ses conditions. « Je ne m’en mêlerais pas à moins que tu ne reviennes bien plus blessée que cela. » Iris ne supporterait pas de voir Eryn encore plus diminuée. Iris lui sert doucement la main. « Trouve quelqu’un qui peut t’aider avec ta magie afin de te rendre plus forte avant de continuer ta traque. »

C’était la chose la plus censée à faire. Ne pas foncer à l’aveuglette, bien qu’Eryn soit plus que capable en combat singulier, sa magie avait toujours fait des siennes. Iris avait promis de ne pas intervenir à moins que ça en devienne nécessaire suivant l’état d’Eryn. C’était tout ce qu’elle pouvait faire tant elle tremblait à l’idée de la perdre. Si elle la perdait alors qu’elle n’avait pas tenté de l’aider ou de la sauver, Iris s’en voudrait. Elle ne pourrait pas vivre avec cette idée.

La jeune femme se lève pour aller prendre de la viande et la mettre dans une casserole. Elle découpa attentivement quelques herbes, ajouta quelques épices afin de faire cuire un bouillon. Iris trancha des morceaux de pain qu’elle apporta près d’Eryn. Elle fila retourner la viande et y mettre quelques épices. Elle essayait de se renouveler, d’apprendre à cuisiner correctement. Peut-être qu’un jour, elle aurait une famille à nourrir et elle devait faire mieux. Toujours mieux. Son père ne lui avait pas appris cela, ni même ses quelques précepteurs. Elle n’aurait jamais cuisiné dans son ancienne vie, servant simplement de marchandise à échanger et à faire naitre quelques héritiers. Iris en frissonna, chassa ses pensées avant de se retourner vers Eryn.

« Tu te plais toujours sur ce navire ? Est-ce qu’ils te traitent bien au moins ? » Iris ne pouvait s’empêcher de poser des questions, même si elle ne s’inquiétait pas de ça le moins du monde. Eryn avait le caractère nécessaire pour survivre parmi les membres d’équipage. Elle souriait, amusée de se sentir inquiète, de tenir à ce point à quelqu’un. Iris ne faisait pas vraiment confiance au Capitaine, ne sachant quoi penser de lui. Elle savait qu’il était sous les ordres de l’Empereur, mais il avait toujours eu son propre agenda. Iris tourna dans la soupe avant de se retourner vers la corsaire en pointant sa cuillère vers elle. « Et tu n’oublieras pas d’aller voir Arlo, je sais que ça lui fera plaisir ! »

Il s’était bien occupé d’elle et Iris savait qu’il aimait sa fille adoptive. Ils en parlaient à deux, de temps en temps et Iris s’attendrissait toujours lorsqu’elle le voyait s’inquiéter de ne pas avoir de nouvelles.

Iris apporta les assiettes remplies d’un bouillon et d’une viande bien meilleure que celle du siffleur.

« Tiens, mange. »

Lui dit-elle en s’asseyant à ses côtés, près du feu. Il faisait bon dans la pièce, et tout autant dans le cœur d’Iris.