Dans les délices d'hadès (ft eva)

Le soir tombe sur la ville, néons s'illuminent en mille étoiles dans le ciel. Syn a les yeux qui vagabondent, et l'âme errante, dans la pâleur obscure du soir tombant. La journée fut rude. Négociations, discussions, les errements politiques en pâmoison, il a la tête lourde et les genoux qui flanchent. Les prophètes de Junfark ne sont pas public facile, et demandent au conseiller de bien manier la langue, la tournant maint fois dans la bouche pour ne pas risquer la crise diplomatique. Jongle avec les lettres, les sons, les dires ; métamorphose des mauxots et travail acrobatique.
Un vent frais vient cueillir son âme, s'engouffrant dans les interstices de son long manteau couleur nuit. C'est sans vraiment y réfléchir que ses pas le mènent vers une vaste taverne bruyante, gosier noué, au grand panonceau de bois rouge. L'Auberge des Gnomes - le nom s'étale en lettres dorées qui se réverbèrent dans les paillettes étoilées.

Il est accoudé au bar, Syn, les yeux perdus dans le vague, l'âme tourmentée et la choppe qui délivre en sa gorge un rafraichissement apprécié. Il se remémore les pupilles effacées de cellui qui se fit appeler Flame, et ne peut se sortir de l'esprit cette désagréable sensation de la mort en action. Il n'est pas homme peureux, le conseiller laërien, mais ce regard s'est fiché en lui comme une flèche en sa cible, il n'est pas non plus ange tombé du ciel, plus proche de Lucifer, le damné démoniaque ; mais il frissonne encore en entendant dans le lit de ses souvenirs la voix d'outre-tombe de l'homme braises d'ébène.
C'est le regard dans le vague qu'il fait le tour de la salle, alors que ses prunelles s'accrochent à l'ombre sylphide de cette néréide aux cheveux noirs. Un demi-sourire se fiche sur son visage lorsque ses souvenirs s'égarent vers un tout autre voyage. Elle a le regard sombre et l'âme tourment, la sorcière maléfique. Syn vit à l'instant précis où leurs regards se rencontrèrent, il y a fort longtemps, qu'elle était envahie d'une ambition mortifère et d'un irrésistible besoin de détruire le monde, en lequel il trouva comme un miroir.

Il ne franchit pas immédiatement les pas qui le séparent d'elle, de son vestige immémoriel. Il pense. Il refait le cour de leur histoire, comme un voyage envouté, sans trop savoir où elle a commencé. Elle est son pendant venue droit des abîmes, la servante mortifère, elle est colère, haine et vengeance lorsqu'il se caractérise par ambition, destruction et illusion. Ils se répondent dans les délices de l'enfer, maudits tous deux par les affres du chaos.
Il revoit leur rencontre, amenée par de vagues et désastreuses tentatives de discussions entre les Laëris et le coven du Dernier Âge, les cris et les haines, le rejet de l'Autre au cœur du conseil, mais son regard qui se pose sur la silhouette d'ébène silencieuse et invisible d'Ignis. Dès lors, la haine se mue en une tentation méphistophélique, et il ne peut décrocher d'elle ses libidineuses prunelles. Il croit lire en elle comme en un livre ouvert, comprenant en une fraction de seconde son âme sardonique et voulant pour ça la posséder toute entière.
Asservir la sorcière à la souveraineté des vices.

« Evanora. » Son nom claque contre sa langue avec l'appétit infernal des démons en quête de noirceur. Il lui fait face, choppe vissée dans la main, et le son de sa voix le ramène définitivement au Réel. Le voilà, face à elle.
Souvenirs d'anciens délices soupirants et sanglants.

L'air était lourd comme de coutume, en Junfark. L'atmosphère, chargée d'électricité. Les coudes appuyés sur le rebord de l'une des fenêtres perçant ses ténébreux appartements de faibles rayons, Evanora guettait le ciel qui se faisait tourment, se chargeant de sombres nuages qui menaçaient d'éclater et d'assourdir la lande de leur courroux. Un orage arrivait, et la sorcière se languissait de ces moments là, voyant dans la foudre qui frappait les terres ravagées le reflet de son âme et de con cœur désolé. Elle pouvait fermer ses yeux, tendre ses doigts dans le vide pour en toucher du bout la puissance de la tempête, se laisser envahir par la tension qui oppressait l'air en le rendant presque tangible. Inspirer profondément la moiteur qui se dégageait du sol. Il n'y avait rien de plus sauvagement humain. Les iris bleus s'ouvrirent au bout de quelques secondes et un coin des lèvres se fendit d'un sourire carnassier face aux éléments bientôt déchaînés. Evanora se retourna vers la pénombre de sa chambre, allumant d'un geste de la main un brasero qui crépita de quelques étincelles avant d'éclairer les lieux. Il devait être arrivé. Le conseiller, laëris maudit qui serait déjà calciné et mélangé à l'eau de pluie pour abreuver la terre en larmes de cendres, n'eut-il pas été celui qu'il était. Connaissant ses habitudes - et surtout ses vices - , elle savait déjà ou le trouver lorsque deux de ses messagers encapuchonnés de noir étaient venus la prévenir que Syn Bates se dirigeait vers l'Auberge des Gnomes, bâtisse de pierre au sein de l'un des rares écrins de verdure de la région qui abritait des voyageurs encore plus rares ou des locaux peu recommandables cherchant à s'oublier dans les affres du vin.

Le ciel avait retrouvé son calme lorsque le cheval aux crins sombres d'Evanora s'approcha au pas des portes de l'auberge. La lune perça pour éclairer d'une pale lumière les branchages encore suintants, et la dirigeante du Coven impitoyable fit son entrée dans la taverne en ignorant de sa tête haute et de son port altier les quelques saluts discrets et inclinaisons de têtes. Les yeux laëriens étaient déjà braqués sur elle avant même qu'elle ne retire le long manteau d'ébène qui les camouflaient elle et sa robe carmin. Regard dévorant de celui qui ne cherchait même pas à dissimuler sa convoitise, ne pouvant s'empêcher de se remémorer quelques brûlants souvenirs lorsqu'il la voyait avancer vers lui. Le conseiller Bates transpirait la faiblesse des hommes - et particulièrement des laëris - face à la chair. Evanora l'aurait simplement trouvé pathétique et malléable comme tant d'autres au cours de sa vie, si elle n'avait pas vu dans ses yeux le même chaos qui l'habitait lors de leur première rencontre sur fond d'expédition punitive où elle le tenait à sa merci. Il s'était mit à rire come un maniaque en voyant la mort arriver, encore galvanisé par les vies qu'il venait d'ôter et abreuvant la jeune prêtresse qu'elle était d'une soif de défi qu'elle ne se connaissait pas. Outrecuidance rageante et délicieuse qui l'enflamma d'une pulsion l'espace d'une nuit où ils échangèrent tout, y compris le sang tiède d'un camp et de l'autre qui maculait encore leurs mains avides. Bien des années plus tard, Syn avait toujours les mêmes démons au fond des yeux, il avait simplement apprit à les dissimuler. Tous deux avaient respectivement tracé leur chemin jusqu'au pouvoir, l'un qui était devenu le bras armé de l'empereur et l'une qui s'était mue en puissante magicienne au service de la mort. Vies épargnées au fil du temps par un intérêt mutuel et des responsabilités diplomatiques dans ce théâtre politique dont ils maîtrisaient réciproquement les ficelles. Evanora se posa, alors qu'elle s'appuyait au comptoir à ses côtés, la même question qui lui venait lorsque Syn lui faisait face ; Pour qui ce truand jouait-il vraiment ? Un sourire énigmatique se dessina sur ses lèvres lorsque le conseiller prononça son nom. "Syn." qu'elle lâcha d'un ton égal en guise de salutation. La sorcière lança un regard entendu au tenancier des lieux avec un geste de la main qui lui signifiait qu'elle boirait la même chose que d'habitude. Celui-ci s'affaira à verser un breuvage épais dans un verre qu'il enflamma d'un souffle, flambant le liquide avant de le faire glisser vers Evanora. "Je te proposerais bien la même chose, mais cela risque d'être un peu fort pour toi." dit-elle d'un ton sarcastique avant d'avaler une première lampée fumante. Le tavernier parti, ils furent finalement seuls et elle planta son regard dans celui de Syn comme deux couteaux acérés. Les siens étaient granit, dénués de crainte comme il l'avait toujours été devant elle. Il avait cette aura spécifique à ceux qui ont été forgés par une vie sans pitié, cicatrices visibles et invisibles sous une peau hâlée et un corps taillé, malmené par les années en mer. Mais si il avait oublié de quoi elle était capable, rien n'était plus simple que de lui rappeler qu'il n'était pas en terre conquise malgré leurs similitudes et leur attraction aussi tentante que toxique. Loin s'en faut. Les intérêts des fiel passeraient toujours avant. "Maintenant, tu vas peut-être me dire pourquoi tu foules ces terres depuis ce matin sans avoir daigné me prévenir ?" demanda Evanora d'une voix toujours calme qui avait prit une tonalité bien plus menaçante. Un pas qui la rapprocha de lui. Il ne se méfiait pas. Il avait tort. La main de la sorcière se leva doucement vers Syn pour effleurer sa tempe ; provoquant une chaleur cuisante dans sa boîte crânienne l'espace de quelques très désagréables secondes pour lui. Personne ne sourcilla dans la taverne et certains qui avaient remarqué la scène se targuèrent même d'un rire. "N'oublie pas que je peux savoir quel sale boulot l'empereur veut que tu fasses ici, de gré, ou de force.". Deuxième gorgée, sourire qui augmente de volume en attendant la suite de l'histoire. Et elle promettait d'être intéressante.

@Evanora Ignis

" pavanons-nous dans les délices d'hadès ".

tw : mention de sexualité, violence.

La femme. Sorcière fielique aux prunelles granit, sourire démoniaque, pandémonium dans l'âme, elle avait tout pour séduire et charmer le conseiller laëris lorsqu'il n'était qu'âme viciée aux crépuscules sauvages. La femme. Celle aux talons frôlant le sol, rire méphistophélique devant brasier satanique. Elle avait quelque chose de lucifer au creux des entrailles. Syn ne saurait cacher l'attrait ésotérique qu'il éprouve pour les damnées des royaumes de Fimjir - lui-même maudit par quelques divinités s'enorgueillant à tirer les mornes ficelles des Hommes.
Leur rencontre tardait déjà, lorsque le marin avait quitté le red fling et n'avait pas encore rejoint les carmins. Vagabond parmi les ombres, silhouettes frêles de victimes potentielles, il avait le chaos inscrit dans l'adn, l'ambition marquée au fer rouge dans chaque pore de sa peau halée par les années de bastingage. L'orageuse Junfark lui avait tôt semblé un port d'attache attrayant, et il zigzaguait parmi les brasiers des expéditions punitives, riant à gorge déployée devant les atrocités du monde sorcier. Il n'était qu'un voyeur avide du spectacle de la mort. Lorsqu'une victime ou une autre s'égarait parmi les cibles, il défendait chèrement sa vie, hilare de donner la mort d'un coup d'épée sanguinolant.
C'était là, dans ce tas de cendres que bientôt le vent enverrait valser dans une danse séduisante, qu'il avait croisé le regard d'Evanora. C'était à cet instant précis, dans les prémices sépulcrales de la nuit, qu'il s'était laissé charmer par la noirceur qu'il avait senti en elle, vague parfum odorant du néant. La passion s'était invitée au creux de leurs bras, de leurs reins et de leurs âmes. Soupirs lascifs entre tango érotique. Ils s'étaient revus, plus tard, lorsque Syn avait été approché par les ombres, lorsque conseiller désormais il avait du discuter avec le coven du dernier âge. Mais cela n'avait plus eu la même absolue saveur. Il était homme de politique, désormais, et les vices devaient silence.

Elle était entrée dans les gnomes comme si sa simple présence devait bouleverser le cours du monde.
Elle ne s'était pas égarée dans l'erreur, la sylphide envoutante.
Le regard de Syn ne peut se détacher de sa silhouette vipérine. Elle a le poison au bout des doigts, la terrible et sombre femme, et cette odeur de mort qui séduit les damnés. Syn qu'elle targue du bout des lèvres. Tonalité ensorcelante qui donne à cette légère syllabe, à ces quelques lettres, une importance capitale.
Il ne sait si elle a provoqué l'attrait qu'il ressent à cet instant pour sa silhouette envoutante, si de sa magie elle a modelé l'air et l'atmosphère. Il n'arrive à déceler dans l'éther ce je-ne-sais-quoi d'irréel, d'immortel. Entièrement dévasté par les flammes, Syn, il n'arrive à discerner ce qui provient du réel, ou de l'artificiel. Il n'a qu'une seule certitude qui brûle dans son âme, à cet instant précis où elle darde en lui ses iris granit, il la veut. Il est broyé tout entier par le besoin viscéral de la faire sienne.
Le tavernier n'est plus, aux yeux de l'envouté, seuls résident la beauté mortifère d'Evanora, et les flammes qui s'agitent dans son verre. Elle se moque, targue sa toute-puissance, la sorcière, et déguste d'une lampée le cierge éclairé qui lui tient lieu de choppe. Comme pour lui répondre, et se donner contenance, il prend à son tour une gorgée de son ambroisie. Le sarcasme n'aura pour réponse qu'un vague haussement de sourcil amusé.
Maintenant, tu vas peut-être me dire pourquoi tu foules ces terres depuis ce matin sans avoir daigné me prévenir ? Elle a l'orgueil en collier, la terrible femme, le besoin de savoir, de rompre le charme de la surprise, de ne jamais se laisser avoir par l'inconnu et le secret. « J'ignorais devoir te prévenir de mes moindres faits et gestes. Une nuit avec toi, et me voilà asservi ? Tu es compagne cruelle. » Elle se rapproche, la langoureuse oriflamme, pose un doigt sur sa tempe. La sensation est désagréable, similaire à une migraine gueule-de-bois, mais le contact de sa peau à la sienne lui donne des allures de magie.

Elle est asservie au Dernier âge, la terreur. Toute entière faite de haine raciale et de désordre animal, elle a le sourire qui s'élargie à son contact, à la sensation inhérente de pouvoir tout contrôler d'un geste du doigt. N'oublie pas que je peux savoir quel sale boulot l'empereur veut que tu fasses ici, de gré, ou de force. Besoin viscéral de rappeler à qui veut l'entendre qu'elle est la toute-puissante. Dans la taverne, il semble ne plus y avoir un bruit, si ce n'est rires sarcastiques, pas un regard qui ne se donne, comme si ce lieu lui était tout entier voué.
Syn se force à ne pas penser à sa secrète mission, de crainte que la force de ses tourments ne se donnent en spectacle à la terrible visionnaire. « Il y a de bien plus attrayante manière de tirer de ma langue tous mes mystères, sorcière. » Il hausse un sourcil, comme pour l'inviter aux tourments.  « N'est-ce pas possible que ma visite ne soit que courtoisie ? Cela fait bien longtemps que je n'ai pas souillé ce sol de mes pas, j'en aurais oublié tous les délectables paysages de Junfark. » Une lampée d'ambroisie, quand il jette un regard aux alentours. Il est en terrain conquis, le conseiller laërien, et il n'oublie jamais d'envisager toutes les possibilités. Il sent bien qu'un geste à l'encontre de la reine lui vaudra l'ire de quelques valeureux chevaliers qui se cachent en ce lieu.

Mais il est homme de danger, Syn.
D'un geste rapide et véloce, il entoure le visage d'Evanora d'une main ferme, et la rapproche de lui. Comme il le pressentait, trois silhouettes sombres au fond de la taverne saisissent leurs armes, prêtes à en découdre et à protéger leur reine, mais il tient trop fermement la sorcière pour que quiconque ne s'avise de s'approcher. Ses lèvres frôlent les siennes dans une danse langoureuse, et un murmure s'en échappe. « A commencer par les tiens, Eva. » Paysages voluptueux et luxuriants, vestiges de trésors à saisir.

Les longues années de sa vie avaient fait constater une chose à Evanora ; les hommes sont faibles. Il était facile de les avoir. Facile de les convaincre qu'une idée ou un désir venait d'eux, facile de les duper. Elle l'avait déjà fait, se délectant des esprits fragiles qui ne savaient pas lui résister. Abreuvant son âme noircie de leur vulnérabilité et des supplications qui parcouraient sa peau, comme un élixir bienfaiteur après qu'elle ait obtenu les informations qu'elle cherchait. Enquêtes sur ceux qui avaient le courage de comploter en Junfark - du moins, sur ceux qui pensaient avoir du courage avant d'être pris entre les griffes des Fiel et de se mettre à pleurer comme au premier jour, tout juste sortis de la chair de leur génitrice. Mais celui que la prêtresse avait en face d'elle n'était pas de cette trempe. Jamais elle ne lui aurait accordé le bénéfice du toute si tel avait été le cas. Il était forgé du même fer qu'elle, elle le savait, et pour ça, elle le désirait comme elle s'en méfiait. Désir qui se lisait dans les pupilles dilatées de Syn alors qu'il la dévorait des yeux sans aucune gène. Elle ne faisait rien pour provoquer cette attraction qui n'était pas feinte, qui était là, tangible, comme si les atomes entre eux se mettaient à frémir de la même façon que les lèvres du laërien alors qu'il s'approchait un peu plus d'elle. Pour finalement y amener son verre avant de soupirer. Sa remarque plaintive amena un rire sarcastique qui fendit le visage d'Evanora. "Je t'en prie. Nous sommes déjà passés par là..." répondit-elle en passant lentement un doigt sur la bouche de son interlocuteur pour y cueillir une larme d'ambroisie qui s'y était échouée. "Et à chaque fois que tu viens ici, la guerre n'est pas loin." susurra la sorcière à son oreille. Le décharge incandescente qu'elle lui avait envoyé du bout des doigts le fit à peine broncher. Les années ne l'avaient pas changé et Syn avait toujours cette résistance qu'il fallait bien lui reconnaître. Ou peut-être que son esprit malmené par la vie lui avait fait apprendre à aimer la douleur dans tout ce qu'elle avait de beau et de sauvagement humain. "Tu n'es pas venu pour ça. Les Laëris ne connaissent pas la courtoisie, mon cher." dit Evanora d'un ton implacable alors qu'il la provoquait encore de son ton faussement enjôleur. La nature solide du soldat couplée aux rouages de son cerveau l'avaient emmené dans la jungle politique où il était aujourd'hui. Si ils étaient réellement similaires, elle savait que ses intérêts et ceux des siens passeraient toujours avant, comme c'était le cas pour elle. Mais peu importe les faux semblants inhérents à sa nouvelle vie, il n'était pas homme à se laisser marcher dessus bien longtemps et c'était principalement ce qui entretenait le brasier qui rougeoyait toujours au creux des reins d'Evanora. Le geste d'autorité avec lequel il empoigna son visage la surprit si bien qu'elle leva vers lui ses grands yeux azur qui avaient prit une teinte accusatrice. Elle entendit des chaises en bois racler sur le sol et des épées sortir de leur fourreau. Ces terres étaient siennes, il jouait gros. L'amour du risque, toujours. Parfois, elle se demandait si il tenait réellement à la vie. Sans regarder en arrière, la sorcière leva une main en signe d'accalmie et les lames retournèrent à leurs ceintures. D'un air de défi, elle scrutait le regard insondable de Syn qui avait abattu les dernières barrières entre eux. Il mentait comme il respirait, haletant sur elle un souffle chaud. Elle pourrait le projeter contre le mur d'en face d'un rayon de feu, mais les adeptes du Dernier Age n'obéissent qu'à leur désir, ne s'embarrassant pas des mêmes principes que le monde extérieur. Puisqu'il l'avait attrapée par surprise, elle ne lui laissa pas le privilège de l'initiative et s'empara de ses lèvres d'un baiser ardent. Une caresse de la langue, énergie d'une harpie qui dévore sa victime en semant la confusion dans son esprit jusqu'à ce qu'il en oublie sa propre existence. La morsure suivit la caresse, pour que Syn ne s'imagine pas s'en tirer aussi facilement. Elle lécha le sang sur sa lèvre avant de se séparer de lui et son étreinte, le fixant toujours en reprenant une gorgée de sa potion enflammée. "Si tu étais venu parce que le paysage te manquait, tu ne te serais pas caché depuis ce matin. Et tu ne le montrerais pas aux yeux de tous." répliqua enfin Evanora. "Après tout, la morale n'est pas une vertu, par ici. Les hommes derrière nous auront oublié ce qu'ils ont vu d'ici deux heures, quand ils seront dans les bras de leurs maîtresses. Mais que dirait ton empereur si il connaissait ton penchant pour les prêtresses ennemies de la couronne ... ?" continua la brune d'un ton moqueur. "Non... Tu me désires, Syn, mais tu désires encore plus me faire oublier pourquoi tu es venu. Je le saurai, de toute façon ; tu pourrais juste nous épargner du temps."

@Evanora Ignis

" pavanons-nous dans les délices d'hadès ".

tw : mention de sexualité, violence.

Il est vrai que Syn ne tient pas beaucoup à la vie, qu'il n'attise que les flammes du danger pour mieux s'en laisser lécher et dévorer. Cet émoi indécelable qui titille son palpitant, comme si le risque courait en continu dans les gouttelettes carmines sillonnant ses veines. Il ne saurait dire cette sensation de se sentir vivant, lorsqu'il entend les chaises racler contre le sol du bouge, lorsqu'il sait qu'en un claquement de doigt d'Evanora, il se fait lapider par dix-huit soldats tout à elle voués. Elle a de la reine le pouvoir et de la putain l'attrait.

la guerre n'est pas loin. Jamais bien loin, en effet, des pas lourds de l'homme au Basilic noir, écailles qui se reflètent dans le creux de l'obscurité aux étoiles pâlies. Sa lame jouxtant ses cuisses s'en font l'écho, il est l'homme des barbaries, sauvage dans les carnages, et partout où il passe dissémine son besoin de férocité. Il a de la bête le primitif besoin cruauté, de l'homme mal luné les désirs ténébreux.
Le fait est qu'il entraîne en son sillage, comme des ombres, les âmes dissolues.
Et que si de sa langue acérée et politicarde il enferme les relents de félonie, ça ne l'empêche pas de partout quérir une mission où commettre un massacre à la Bates. De la chauve-souris la noirceur.
Elle ramasse sur les lippes une goutte d'ambroisie égarée, commence finalement à enserrer de ses griffes l'atmosphère sensuelle. « Tu te méprends, nous sommes au contraire très courtois. » Tu en sais quelque chose, sorcière. De la politesse révérencieuse lorsqu'il a saisi son intimité, implacable machination érotisée. Syn est la galanterie cérémonieuse et multiplie les égards, lorsque d'une femme il veut parcourir les limbes. Seulement, elle n'est plus reléguée qu'au rang des souvenirs, et de ce fait ne mérite plus tant d'affabilité.
Pourtant, du souvenir s'éveille l'audace de chair.
« Seulement, c'est lorsque nous avons à y gagner. Tu connais bien, ça. » Sa bestialité d'autrefois ne la gênait pas tant, la sorcière concupiscente. Il dresse sur elle un regard semi ironique, semi hypocrite - car c'est ce qu'elle est, Evanora. Dissémine en son sein les pires secrets en ces terres arides du feu de volcan, réclame vérité quand tout son crâne boue de fabulations.

Les chaises raclent, les hommes protègent. Elle est la reine de cet essaim d'abeilles, et voilà Syn ancré dans sa ruche. Il a le visage entre ses mains, ne lâche pas son gain - d'un geste du doigt, elle intime l'ordre à ses sbires de se rasseoir et de cesser de gâcher le moment de leurs halètements de clébards.

Car elle a d'autres projets, l'ignis.

Elle s'empare des lèvres de Syn avec l'avidité d'une morte de faim, désireuse de redorer son blason de femme maltraitée. Reprendre le pouvoir et le contrôle sur une situation qui échappe, sur des malformations masculines éhontément voilées d'un drap salement libidineux. La morsure qui s'en suit est tout à la fois douloureuse et diablement excitante. Il ne s'en cache pas, Syn, les pupilles soudainement éveillées par le désir se dardent sur elle.
Néanmoins, son empire au sein des ailes domptera toujours les bas instincts. Très vite, le laëris reprend ses esprits, et lorsqu'il écoute Evanora, c'est avec les méninges en pleine ébullition. Elle est dévorée par la curiosité, et il trouve suspect les craintes qu'il sent s'insinuer comme un poison au creux de son encéphale.

Les paroles dont elle délecte l'atmosphère se font menaçantes, mais persistent à s'auréoler d'une ceinture attrayante. " Que dirait ton empereur si il connaissait ton penchant pour les prêtresses ennemies de la couronne ... ? " Elle n'a pas complètement tort, ni tout à fait raison, la sorcière ambitieuse - Syn a en le cœur la suspicion propre aux laëris contre les fiels, est-ce seulement sa faute s'il ne peut résister à une licencieuse zone d'ombre ? Cela fait bien longtemps que Ciryon connaît son penchant pour les traîtresses à l'empire, et il a su chaque fois en tirer avantage. Dans la séduction et aux creux du lit des avanies, extorquer des lèvres jouissantes quelques secrets infâmes.
Je le saurai, de toute façon. Il a le regard qui se pare d'un ornement de défi.

Ah oui ? Essaye encore. Tâche donc de tirer de ma langue tombale quelque information qu'elle soit. Je t'en prie. Confronte-toi au néant, au chaos, à la violence bestiale que tu liras en moi, sans jamais pouvoir ne serait-ce qu'approcher une once de mon vrai moi. Echoppes-toi contre les remparts de mon âme, encore et encore, sans parvenir ne serait-ce qu'à sentir ce que je suis sous le voile.

« Tu ne sauras rien de plus que ce que je te livrerais. » Il a le ton insolent du gamin qui s'oppose aux parents. La certitude qui vibre au fond du palpitant. Il n'y a pas le moindre doute qui s'insinue en ses veines. Néanmoins... Se dit que de la situation, il peut encore tirer avantage.  « Toutefois... Il est possible que ma langue se délie, si tu daignes répondre à quelques interrogations. » Echange de bons procédés semble se nouer au creux de la nuit. Peut-être saura-t-elle reconnaître en tes orbes graves la sincérité de cette proposition.
Sors un papier cacheté d'une de ses poches, non sans faire disparaître en la léchant l'énième goutte carmine qui s'échoue sur ses lèvres désormais sanguinolentes. La pose sur la table, sous le regard d'Evanora.  « Alors ? Dois-je ouvrir la boîte de Pandore ? » Il laisse ses doigts pianoter sur le papier, comme pour attiser la curiosité de la belle.
Viens, viens, joue avec moi.
Que la nuit nous appartienne.