turn the wind to hurricanes. (syn)

Le crépuscule sonne le glas de la journée. Quelques sortilèges d'évasion utilisés pour se rapprocher de la Capitale. Ce n'est pas souvent qu'Helna l'arpente. La connait de quelques lointains souvenirs. Toujours furtifs. Au-dessus de la carte, le pendule s'est balancé. Mainte et mainte fois. A son cou, la Mnémosys oscille. Elle a rejoué le souvenir plus souvent durant les derniers jours qu'au cours des dernières années. Des images qui ramènent à la surface de son âme toutes les sensations ressenties à cet instant-là.

Le soir de leur union.
Le soir de leur fin.

Dans les ruelles de Dynacairn, Helna est à peine visible. Camouflée par l'assassin fantôme, la cape dissimule sa présence avec aisance. Elle sait où le trouver. N'éprouve aucune honte de s'être servie de la magie pour le dénicher. Douze ans les séparent de la dernière fois. Il lui semble que c'était dans une autre vie. Il lui semble aussi que c'était à peine la veille, qu'elle l'a quitté. Qu'elle l'a laissé là ; et elle le revoit encore, Helna. Endormi après l'effusion de leur passion. Prisonnier des bras du sommeil. Par instant, il semble à la madone sentir encore le contact grisant de sa peau contre son épiderme. Par instant, il lui semble encore avaler son souffle et le lui rendre en baisers sauvages et ardents. Par instant, il lui semble que les choses auraient pu se dérouler autrement - avant que sa conscience ne vienne la rappeler à l'ordre. Elle n'a pas eu le choix.

Ce n'est que lorsqu'elle entend ses pas se rapprocher qu'elle fait glisser la cape, avortant la dissimulation magique dans l'ombre d'une ruelle avoisinante. Son visage ne montre rien du trouble qui l'envahit soudain. Une forme d'appréhension qu'elle voudrait renier, mordre et enterrer pour ne pas la reconnaître. Elle sait que sa race n'est pas la bienvenue ici - ni nulle part, exilée dans les contrées de l'Orageuse pour mieux se reproduire, comme des nuisibles. C'est bien connu, après tout : y a qu'la vermine, qui survit à tout. Plus encore aujourd'hui que le bras de la Rédemption les traque sans relâche. Lors de son voyage, elle en a croisé trois groupes. Deux desquels elle n'a pas vraiment eu de mal à se débarrasser. Un autre qui l'a prise par surprise, marquant sa joue gauche d'une estafilade encore visible malgré la cicatrisation. Et lorsqu'elle empiète sur sa trajectoire, son coeur rate un battement. Ses grands yeux noirs se déposent dans un regard qu'elle connait par coeur. Qu'elle reconnaîtrait encore aujourd'hui, sans une once d'hésitation. Retrouver l'eau claire et électrique des yeux de Bates arrache à ses épaules un frisson qu'elle dissimule en réajustant la cape qui les recouvre. Si son crâne est encapuchonné, ses traits lui seront parfaitement visibles. Une seconde se suspend. Il lui semble que la ville elle-même cesse de respirer - à moins que ce ne soient ses propres poumons qui s'enclavent dans une forme d'autarcie. Il lui semble qu'il n'est plus le même.
Il lui semble aussi ne pas avoir changé d'un poil.

Sur les lèvres de la gardienne, un sourire trône. Prédit une victoire anticipée ; à cette assurance désordonnée et qu'on incrimine souvent pour son agacement. « Syn. » Sa voix résonne dans la ruelle déserte. A peine plus grave qu'autrefois. La curiosité agite son myocarde - l'impatience aussi. Si elle sent déjà ses défenses se fragiliser à son approche, Helna garde le contrôle d'elle-même en grignotant la distance d'un pas engageant. « Il était temps. » Comme si elle l'avait toujours prédit. Comme si elle l'avait toujours sous-entendu.

Mais toi, m'as-tu oublié, comme c'était prévu ?

Elle se paralyse à quelques mètres de lui. Champ de force magnétique qui l'attire au Laëris autant qu'elle cherche à lui résister. Si les années ne lui ont pas fait gagner en sagesse, Helna sait au moins où se trouvent ses limites. Ce sont celles du monde entier autour d'elle, qu'elle bafoue, à répétition. « Aurais-tu quelques instants à accorder à une vieille amie ? »
Comme si elle n'avait été que ça. Une vieille amie.
Un fantôme du passé venu le hanter au présent pour bousculer la concordance des temps. Un souvenir ressurgissant comme un esprit frappeur, dérangé dans son hibernation. Sans parler des quelques aides du démon à son service, qu'Helna a parfois lancé à ses trousses au creux de ses rêves pour le poursuivre. Lui rappeler qu'elle a menti, dans sa lettre. Qu'elle a bien existé.

« Ou bien es-tu trop occupé, aujourd'hui ? » Ses lèvres toujours étirées, ses orbes obscures plantées dans les siennes, Helna se goinfre de l'étude qu'elle lui porte. De l'observation qu'elle mène à même ses traits, sa posture, et l'intensité carnivore de son regard. Carnivore, parce qu'assurément que ses prunelles la dévorent de leur simple contact avec les siennes. Mais l'horloge tourne et la gardienne des Braises semble alors frappée par la foudre. Elle avorte encore la distance d'un pas. Son sourire s'efface lentement, ou plutôt se fige, paralysé à l'embouchure de ses lèvres. « Je vois que tu as suivi mes conseils. » Evidemment, qu'elle s'est renseignée. Evidemment, qu'elle l'a surveillé. Toujours de loin, jamais de près. Juste pour s'assurer de son parcours. De son chemin. Sur quels pavés se posaient les pas du garçon qu'elle avait érigé pour le relâcher dans une nature hostile et le mettre à l'épreuve. Ou juste pour s'enfuir. Parce qu'il le fallait. Ses mécanismes de défense luttent contre d'anciens sentiments embourbés qui enveniment sa carne à l'instant même où elle s'attarde un peu trop dans ses yeux. Un poison qui lui rappelle pourquoi elle l'avait laissé. Helna n'est qu'un insecte venimeux, vipère ou murène, guêpe ou scorpion, qu'importe tant qu'un semblant arachnide agite ses crochets cherchant toujours une nouvelle proie à soumettre à son venin. Mais l'homme qui lui fait face n'est pas une proie.
N'en a jamais été une.

Prédateur acharné bien connu de son coeur.

« Le Bras se dissémine en groupes partout dans l'Empire. La situation nous échappe. » La crainte se tisse en fils d'argent dans les orbes des conseiller.es. Se déroule un conclave de l'Ordre, et les paroles semblent murmures, tant laëris craignent de dire trop haut ce que tout le monde pense bien bas. La fin de la paix semble proclamée. C'est l'avènement d'une guerre sans merci, non pas entre races, comme autrefois, mais entre possesseur.ses de magie.
Syn se tient contre la fenêtre, les bras croisés sur sa poitrine, alors que les reflets du soleil tombant forment éclats sur son basilic noir. Les écailles le transforment en monstre dangereux, et la lourde épée qui orne son dos ne manque pas de forger sa toute puissance. Mais cela n'est rien, rien face à son silence.
La respiration de l'assemblée est pesante, et le silence s'instaure. Le visage de Ciryon est grave et fermé, tout comme celui de Corvo est des autres conseiller.es. Syn n'a que peu voix au chapitre, mais du haut de son piédestal mutique, il se fait oreille attentive, et décèle dans les intervalles plus que ne se disent dans les mots. Plus tard, demain, sans doute, il fera son rapport à l'empereur. Pour l'heure, le conseil se clôt.
Aucune solution n'a véritablement été trouvée, mais il a surtout fallu revenir sur les désastres de la cérémonie du château blanc. L'attaque forcenée de quelques kamikazes* rédempteurs n'a pas cessé d'alimenter les conversations, et le peuple commence à gronder. Il se sent en danger (et sans doute n'a-t-il pas tort).

A l'Ordre de ramener un peu d'harmonie dans ce chaos.

« Que votre journée s'anime d'un peu de beauté. » Que de l'ombre, vous puissiez tirer un peu de légèreté. Ainsi dit-il, le secret des ailes carmines, avant de s'extirper de cette chappe de plomb d'un pas discret.
D'autres conseiller.es tardent, discutent, vagabondent dans les couloirs du château blanc, mais Syn n'en fait rien - il est animal du dehors, et si il maîtrise depuis longtemps les affres politiciennes et les vocables creux des langues de bois, il ne peut cacher le spleen qui tapisse son cœur lorsqu'il se retrouve enfermé entre les murs du conseil.  
Syn n'est jamais plus pleinement lui-même lorsqu'il combat une aguara ou une alpyre, lorsqu'il fait vaciller le sang et l'air d'une poigne de fer. Il est combattant avant d'être diplomate, même s'il a su au fil des ans ne faire tâche dans aucun cas. Il se remémore bien souvent, lorsque les conseils font naître l'ennui, la présence du mentor Helemys. Se revoit, pirate sabordage, capturé par Corvo, ramené sur terre ferme et élevé au manège des pions qu'on déplace sur l'échiquier du monde. Il n'était pas tout à fait novice, Syn, il faut le dire, Helna avait déjà commencé ce travail de sape de l'âme.
Ce souvenir fait vrombir le cœur qui sort de son emprise.
Chaque réminiscence de Majhelna fait naître en son âme des flashbacks visuels qui altèrent son bon sens. Il revoit leur passé commun, l'esprit empreint d'une nostalgie indécelable, incontrôlable - les orbes dessinent les traits juvéniles de son visage de sorcière, parfois se perdent dans les courbes érotisées qui se font fantasme au creux de la nuit noire. Il sait, Syn, qu'il la reverra. Que leurs chemins se croiseront à nouveau, dans le grand canevas de la vie.

Des souvenirs, la mélodie.
Le refrain se joue dans l'horizon crépuscule.

Au loin, le soleil se cache, et cède la place à son amie la lune. Il ne sait pas précisément où aller, Syn, hésite entre passer la soirée dans un des bordels de Dynacairn, faire son rapport à Chimère azure, ou extérioriser sa colère et sa hargne face à quelque créature. La vérité, c'est qu'il s'en veut. N'a pas su comprendre la survenue des rédempteur.rices, n'a pas pu écouter les alertes, alarmes diverses et mortifères. N'a pas saisi avant tout autre la gravité de la situation à-venir, lui, l'espion impérial. La culpabilité se grave en ses orbes aussi sûrement que les souvenirs.
Pourtant, une silhouette apparaît dans l'obscurité et se découpe en contraste devant les rais du ciel tombant. Par réflexe, et d'un geste d'une rapidité vorace, Syn porte sa main à son épée. Laisse vite sa paume se desserrer, lorsque ses yeux reconnaissent le visage d'Helna, celui-là même qu'il dessina si longtemps avant que le sommeil ne le cueille. La dessiner les yeux clos, voilà le vrai don qu'elle lui offrit.
« Syn. » Elle s'approche, la sorcière, alors que cette simple syllabe hérisse les poils du laëris. Il avait tant rêvé de l'entendre de sa bouche, à nouveau, comme en écho à autrefois, qu'il semble que ce soit routinier. S'échappe de l'extraordinaire de leur situation. Est-ce réel ? Est-ce seulement une hallucination ?
« Majhelna ? » Cette salutation a l'allure de la question. Il sait, pourtant, que c'est elle - se reproche de ne pas avoir senti son odeur affluer en ses narines. Majhelna. Est-ce vraiment toi ? Tant d'années nous sépare, une décennie, et te voilà, effleurant ma voie.

Il se fait méfiant, le laëris, et garde néanmoins sa paume sur l'épée rédemptrice. « Aurais-tu quelques instants à accorder à une vieille amie ? » Ne répond pas, Syn, se contente d'un hochement de tête, alors que ses orbes se figent en les siennes, détaillent et dévorent ce visage tant rêvé, tant honni.
Elle est toujours aussi belle, et les âges n'ont pas marqué son visage d'une moindre ridule. Seule une cicatrice fraîche vient ternir la pureté blanchâtre de son allure angélique et factice. Si elle ne semble renvoyer qu'un masque d'indifférence, Syn croit parvenir à toucher du doigt un papillon éphémère d'émoi au fond des prunelles. Sur son sourire, au bord des lèvres, une fierté se tisse. « Je vois que tu as suivi mes conseils. » Elle est pygmalionne, et admire désormais son œuvre : la perfection d'une toile désormais achevée. « Que veux-tu ? » Ne perds pas son temps en tergiversations, Syn, c'est aussi ce que les ans lui ont appris ; c'est dans la fugacité de l'immédiat qu'on décerne les plus grandes vérités.

Ses mains quittent pour l'heure la poigne rassurante de sa brise-aube, pour se dresser le long de sa joue, en miroir à la cicatrice qui balafre celle de son double. « Une rencontre sauvage ? » Il a la curiosité au fond du cœur, et l'espoir d'en apprendre davantage sur l'histoire de sa muse. « Plus de chevalier servant pour se faire ton bouclier ? » L'amusement ironique se dessine dans ses orbes, qui ne lâchent plus les prunelles d'Helna. Il ne saurait expliquer comme son cœur bondit au fond de lui ; semblable à un bruissement permanent. « Tu as pu observer que j'avais pour ma part d'autres priorités, désormais. » Il ne fallait pas me quitter, si c'était pour m'espionner, semble se faire reproche en sous-main de ses paroles. S'il tâche, en écho à elle, de masquer son visage sous une allure d'indifférence, elle saura entendre les pulsations infernales de son palpitant, les veines bruissant d'un feu qui eut des décennies pour se tarir.

Mais rien ne peut défaire ce que tisse le Destin.
Et Majhelna et Syn sont voué.es l'un à l'autre.

* anachronisme, toujours, on aime.

Elle ne se préoccupe même pas de la main qui s'est portée, par instinct sûrement, au pommeau de son épée. Comme un défi, ses yeux noirs soulignent le geste - l'amplifient, le provoquent. Je t'en prie Syn, saisis-toi de ton arme et mets fin à mon existence. Dans un semblant d'adultère à Fimjir, qu'elle se verrait bien, Helna, mourir sous sa main. La madone peut sentir, dans son système sanguin, pulser chacun des battements de son coeur effarouché. Mise à mal par des retrouvailles bien plus douloureuses qu'escomptée - et par cette volonté, toujours, de ne rien montrer. Mais les sentiments sont ténébreux, mesquins, cherchent à l'envers du contrôle qu'elle se maintient une manière de la trahir. Prendre leur revanche sur l'hibernation forcée à laquelle elle les a condamnés, douze ans plus tôt.

« Majhelna ? » Et son coeur de s'ét(r)eindre. Et ses yeux de se fermer, une seconde seulement. Le temps d'avaler le mot, la parole. Ce prénom ancien, enfoui. Cette condamnation kamikaze qu'elle lui a offerte. Le nom la ramène aux berges tranquilles, à la fraicheur de la nuit, à la brûlure de sa peau contre la sienne. Les ricochets de la cascade vibrent à ses tympans, l'usurpation de ses soupirs chahutent sa légèreté. Elle n'a jamais eu besoin de la mnémosys, finalement - le souvenir est ancré en elle comme une dague plantée dans la roche de son âme. Oh Syn, seras-tu mon Excalibur ? Elle ne répond pas. Peut-être que ça veut dire non. Peut-être que ça veut dire oui. Elle lui a confié Majhelna des années plus tôt. Les retrouvailles avec son propre double sont fracassantes. Sous le revers de son épiderme, son assurance s'ourle d'un désir latent.

Elle ressent sa méfiance comme une gifle - et comme toute violence, Majhelna l'accueille, l'accepte, la réclame même. Egarée dans l'océan de ses mirettes, la sorcière laisse quelques-unes de ses défenses se diluer dans l'eau de ses yeux. Du bout de ses pupilles, elle détoure les coins de son visage et la moindre ride qu'il aurait pu prendre en son absence ; comme si soudain, même le temps était un concurrent. Il mourra peut-être avant elle. Je voudrais mourir avec toi.
« Que veux-tu ? » Le silence nocturne cueille une fois de plus la question du laëris. Comment savoir ce qu'elle souhaite ? Comment dénicher ce qu'elle est venue chercher en le trouvant ce soir ? Et au tremblement anxieux de son organe cardiaque, la réponse lui apparait soudainement bien trop évidente pour être tue. Bien trop violente pour être gardée, malgré l'effort de ses molaires de filtrer les mots qui se gravent dans le marbre de leur histoire - alors, forcément, forcément qu'ils s'échappent. « Toi. » Sans hésitation. Sans rature. Sans explications non plus.

N'est-ce pas ce que j'ai toujours voulu, Syn ? Lui, lui, l u i.

Ses yeux gorgés d'obscurité suivent le geste. Peignent le parcours de sa main qu'elle voit effleurer sa joue - il lui semble sentir la caresse de ses doigts sur la sienne. Une rencontre sauvage, sans doute - comme la première qui les a réunis. Quoi d'autres pour les bêtes qu'ils sont ? Qu'ils resteront. « Plus de chevalier servant pour se faire ton bouclier ? » Les lèvres de la sorcière s'inventent croissant de lune quand elles se tordent dans un sourire astral. « Oh. J'en ai plus qu'il ne le faut. » Tu n'en as jamais été un. Et dès lors qu'il invite d'autres priorités à leur échange, les babines de la fauve se déguisent de férocité. Une jalousie brûlante qui éclaire un instant la nuit de ses yeux sombres. Une possessivité latente, retenue sous silence, enfermée dans la prison de son âme. C'est qu'elle jalouserait tout. Le temps, la vie, les blessures. Les priorités, les devoirs, les étreintes sans lendemain. Tout ce qui peut le prendre un peu à elle. Nous nous appartenons - te souviens-tu ? Chaque battement de son coeur scande son prénom dans un silence désarmant. De sa main droite, ses phalanges serrent un peu plus le bois de son sceptre magique. Comme une menace muette. « Nous en avons toujours eu, pas vrai ? Des priorités. » Son ombre dérange la distance, la grignote d'un pas qu'elle fait vers lui. Rogne probablement ses propres restrictions, en proie aux élancements qui s'agitent le long de ses terminaisons nerveuses. Et c'est devant lui qu'elle se plante, qu'elle s'invente écharde à son doigt, piège à sa carne, poison à son âme. « Me ferais-tu visiter ton monde ? » Puisque je n'en fais plus partie. Exilée volontaire, écartée incendiaire. Devant lui, le menton légèrement levé pour parfaire l'écart et garder leurs orbes alignées, épousées, MajHelna ne dévoile rien de ses intentions. Peut-être n'en a-t-elle pas d'autres que celles qui s'insèrent entre chacun de ses battements de coeur. Le nargue égoïstement d'une proximité qui la met à la mal la première, assurément, à dépeindre les traits de son visage du bout des yeux d'abord. Puis du bout des doigts ; de ceux, qui ne tiennent pas le siphon d'âme, qui se sont élevés vers le minois du laëris pour remplacer les siens. Y déposer une cicatrice factice, comme si de ses caresses ne pouvaient naître que des brûlures. Et parce qu'elle se sent déjà flancher, Helna recule. Juste d'un pas - de quoi se mettre à l'abri de ses propres émotions carnassières. S'il a été pirate, ça n'est que de sa chair. S'il a été mercenaire, ça n'est que de son être. Désormais, conseiller ou assassin ; qu'importe, pourvu que les deux soient complémentaires et viennent réclamer ce coeur si savamment camouflé au fond de son âme maudite. Les doigts sont retombés dans le vide mais se tendent, inexorablement, vers les siens. Invitation muette, le trouble évident se lit dans la surface sombre des abysses de ses yeux.

Elle se ferait phoenix pour lui renaître à chaque fois.
Elle se ferait traîtresse pour lui survivre à chaque émoi.

Hante-moi.