r e d e m p t i o n (althelna)

Elio se frotte les mains, le regard perdu dans le vide de l'obscurité, alors que les rayons de lune découpent la beauté du mausolée. Les ruines se parent d'un vestige blanchâtre, propices aux réminiscences.
Ces derniers jours furent terribles. Elio se souvient des vives douleurs, physiques et mentales, qui se sont enchaînées, liées les unes aux autres par des mailles d'acier. La découverte de l'indicible vérité si longuement cachée, le coma suivant la bataille aux nymphéas, les orbes de Nithya drapées en les siennes ; il ne saurait énumérer l'ensemble des pieux qui se fichèrent dans son cœur, jusqu'aux tréfonds sibyllins de son âme broyée.
Car de lui ne restent que cendres éparses, voguant au gré du vent.
Il n'est plus que l'ombre du grand sorcier purificateur qu'il fut autrefois. Ces relations avec Ashara et Nithya* n'ont fait qu'enfoncer les clous de l'ironique destinée, cette tragédie qui se joue en esprit, dans les gradins de Pygmée.
Au fond de sa poche, le carnet lui brûle la jambe. *

Il lui faut reprendre conscience. Redevenir le prêtre d'ébène, celui qu'il tissa des années durant, jusque dans les obscurs entraînements couleur torture de l'orphelinat. Althéa est la sorcière parfaite afin de renouer quelque peu avec le masque de son lui d'autrefois. Car cette "gamine", il a décidé de la prendre sous son aile.
Etendant dans le ciel obscur ses grandes égides de noir vêtues, il les a enroulées autour d'elle, lui promettant monts et merveilles. Car elle est orpheline, Althéa, lui manque le pardon de Fimjir au sein d'un coven prophétique. De père avorté* à mécène adoré, il n'y a qu'un pas - Elio voit désormais en elle comme une façon de se racheter, d'apporter aux braises un nouvel enfant à torturer. Enfant, elle ne l'est certes plus, mais quelque chose dans son regard pousse le sorcier à l'assimiler ainsi. Il ne saurait dire pourquoi, n'a jamais vraiment pu comprendre ce qui l'avait mené vers elle, mais il semble avoir été poussé par les vents de la fatalité vers cette sorcière aux grands yeux d'ébène.

Il se remémore leur première rencontre, dans le clair obscur d'un brasier sépulcral. Il s'était revu en elle, autrefois, lorsqu'au fond du cœur s'inscrivait le besoin de vouer son âme à quelqu'un. Fimjir avait été une évidence, et s'était matérialisée sous la forme d'une silhouette noirâtre au détour d'une ruelle.
Il voit Althéa comme un miroir de lui-même, il y a fort, fort longtemps. Est saisi du désir de devenir, à son tour, celui qui mène les brebis égarées jusqu'au chemin de la raison - la Foi fimjirienne. Elio a donc donné rendez-vous il y a deux semaines à cette jeune sorcière au regard désirable, choisissant le temple de Pygmée pour la contraindre à sa première épreuve. D'autres suivront, bien d'autres encore.
Mais ce sera à Helna de les décider, faisant honneur à sa gouvernance.
Elio s'est rendu sur les lieux -du crime- quelque peu en avance, désireux d'assujettir son âme à l'obscurité. Il se doit d'omettre toutes ces afflictions passé, afin de se concentrer uniquement sur l'avenir. Il n'est plus d'Elio, ni de personnalité, il est le coven comme maître. Pour les braises. Pour les braises.

Elio est installé à califourchon sur l'une des hauteurs de la ruine.
Il entend les pas d'Althéa avant même de la voir se découper au creux de l'obscurité. Sa voix brise le sinistre silence. « Te voilà enfin. » Semble poindre un reproche, alors même qu'elle est à l'heure, la sorcière.
Il saute de la tourelle sur laquelle il était juchée, pour atterrir non loin d'elle. Il y a du félin dans son geste. Ses yeux bestiaux semblent flamboyer dans la nuit noire. « Es-tu toujours désireuse de rejoindre Fimjir et les sien.nes ? » Il ne perd pas son temps en tergiversations, Elio, accueille d'emblée la sorcière dans le vif du sujet.
Il y a de la lame tranchante au fond de sa voix.
Qu'elle ne s'avise pas de dire non.

Explications diverses sur l'histoire d'Elio:

Elle s'approche, l'aspirante sorcière, capuche ancrée sur la tête, comme cachée dans le néant, honteuse d'avouer qu'elle doit se racheter. Elle est en quête de rédemption, Althéa, et Elio l'a vu immédiatement, à ses gestes mystérieux, à ses pointes qu'elle s'infligeait dans la peau. Familier aux tortures propices à la survenue de Fimjir, Alleyn ne pouvait que se reconnaître en la douleur prophétique de sa comparse. Elle est un miroir de ce qu'il fut, autrefois.
Je le désire, oui, plus que ma propre vie. Semble sûre d'elle, la sorcière, ou du moins est-ce l'impression qu'elle se donne. C'est un rictus sur le visage d'Elio qui répond à cette factice assurance. « Méfie-toi à n'être pas trop prompte à me répondre. » Il y a du clin d'œil taquin dans la tonalité de sa voix. « Et surtout à proposer ta propre vie. » Il ne peut que l'avouer, Elio, quelque chose en cette femme titille son intérêt. Il ressent au plus profond de lui le besoin viscéral qu'elle a de se racheter, et la curiosité semble tourmenter l'âme du sorcier voué depuis toujours aux affres de Fimjir.

Il n'a aucun pouvoir décisionnaire dans les futur.es aspirant.es aux Braises. Néanmoins, comme pour s'en donner l'image, il porte ce jour la cape ornée de la couleur du coven. Son lien particulier avec Helna lui permet quelques extravagances, et s'il ne peut promettre à Althéa qu'elle gagnera le cœur d'ébène, il peut tout du moins lui assurer une entrevue avec la sorcière de premier ordre. C'est mieux que de se scarifier en appelant Fimjir à l'aide - toustes savent que ce n'est pas ainsi qu'il répond.
Sans doute a-t-il mené Elio sur le chemin d'Hollis.
C'est là le mieux qu'il puisse faire.
Le sorcier se retourne, montrant son dos à la sorcière dans laquelle il dardait jusqu'alors ses orbes, comme tâchant de juger si sa sincérité valait de passer à la seconde étape de son plan. Rasséréné, il contemple un instant les ruines qui lui font face, et les éclats qui se réverbèrent sur les vieilles pierres, vestiges d'un lieu de prière autrefois voué à Akotaz.
C'est d'un sifflement qu'il fend l'air, et défait le silence de la nuit.
C'est là un ordre. En une seconde à peine, ou ce qui semble telle à leur impatience, une lame* traîne, menottée derrière elle, une silhouette vêtue de sombre. Celle-ci est bâillonnée, et semble avoir des larmes qui coulent le long de ses joues.

Elio se retourne à nouveau vers sa comparse, l'aspirante sorcière. « Voici la première étape de ta rédemption. » Il plonge ses iris en celles d'Althéa, espère y voir une quelconque peur, ou une indicible pitié, quelque émoi qui l'empêcherait de la mener à Helna. A compter de cet instant, elle sera sous toutes les coutures scrutée.
Pourtant, un hoquet de gémissement l'amène à se retourner à nouveau. La silhouette est celle d'une femme, infidèle, ancienne prêtresse pour les braises qui tâcha de fuir il y a bien longtemps. Alors retrouvée, par délation d'une ancienne consœur, elle est désormais vouée à la punition éternelle - la fatalité est déjà inscrite en lettres de feu sur son visage, et la survie n'est pas une option. « A toi de punir cette traîtresse. » qu'il susurre dans le lit de la nuit.
Sa voix se fait provocation, alors que son regard se tourne à nouveau vers Althéa.
A elle de jouer, désormais.
A elle d'être l'actrice de sa propre destinée.

*Lame : soldat.e à la solde des braises d'ébène qui s'occupent des tâches "inférieures".