1228-1244
venue au monde.
Oloe, ce n’est qu’un gamin parmi tant d’autres, rien que l’icône profane d’une énième gangrène sacrée d’Orcylin et ses barreaux d’albâtre de dorures parées. À le voir, ce petit bonhomme au corps chétif et souffreteux, on s’étonne qu’il ait survécu à ses premiers jours sur terre, comme si le dieu de la mort lui-même n’en avait pas voulu. Dès son plus jeune âge, il comprend que le monde ne veut pas des gens comme lui, trop pleutres peut-être pour affronter la vie, alors il se renferme sur lui-même jusqu’à explorer l’extérieur à l’intérieur de sa cage dorée que lui procurent ses privilèges raciaux, en tant que laëris. Les livres de tous genres deviennent le refuge qu’on refuse de lui accorder, des fantasmes copiés et recopiés sur des pages et des pages qui l’emmènent au-delà de la contrée qui l’a vu naître. Pendant un temps, une encyclopédie illustrée sur les animaux marins d’Atalan retient son attention jusqu’à ce que ses yeux se posent sur un traité non moins volumineux, presque enfoui au cœur de la bibliothèque familiale, consacré au massacre des elfes des montagnes voilà plus de trois cents ans. Les faits historiques, dépeints avec une froideur que l’on ne pourrait qualifier que de chirurgicale, amènent le jeune et innocent Oloe à poser des questions ici et là, mais ce genre de questions mettent mal à l’aise celleux qui aiment à se dédouaner de leur haine et faute passées, ou plutôt qu’iels se plaisent à croire passées, alors on le prie de bien vouloir se taire une bonne fois pour toutes.
1245-1246
errances printanières.
Lorsqu'il atteint l'âge de la majorité au sein des sien·nes, cette étape à la fois importante et douloureuse pour quelqu’un qui ne connaît le monde extérieur que par les bouquins, il lui prend la soudaine lubie de toucher l’encore inexploré de ses propres pieds, quand bien même devrait-il s’y perdre et peut-être n’en jamais revenir. À la nuit tombée, l’enfant qui n’en est plus vraiment un part à l’aventure avec à la hanche sa besace en cuir préférée que hélas des voyous sur la route finiront par lui arracher quelques heures plus tard. Mais à ce premier ennui que sans doute il aurait dû voir venir, il garde la tête haute et refuse de rebrousser chemin, trop fier peut-être pour s’avouer vaincu. Par chance, ses traits communs de laëris l’aident à se glisser parmi la foule et à lui attirer la sympathie de la plupart des inconnu·es qui croisent sa route ; on n’hésite pas à lui proposer de faire quelques menus travaux en échange d’un bon repas chaud, parfois sans rien attendre en retour de sa part, car ne fait-il pas pitié, ce gamin sans patrie qui vagabonde dans les villes et les campagnes à la recherche, dirait-on, de quelque chose que lui seul peut voir et comprendre? On le surprend souvent, le regard absent, presque éteint, à observer ce qui l’entoure sans vraiment le voir, puis se pencher avec empressement, comme si sa vie en dépendait, sur un papier abandonné sur le coin d’une table pour en noircir des phrases et des dessins sans valeur aucune — sa façon d’apprivoiser cet extérieur qui lui fait encore peur. Il lui arrive même d’écrire ce qui lui passe par la tête sur les chemins de terre, quelque branche morte ramassée à ses pieds faisant office d'instrument artistique. Dans un monde où la survie prime sur le reste, il se doute que personne ne se soucie de ses œuvres, que certes seule une âme indulgente pourrait appeler comme telles, et dont le triste destin semble être de se laisser vandaliser par le premier pied venu, du moins ainsi se le représente-t-il. La nuit, il se recroqueville là où il le peut, parfois sur un banc désolé, parfois dans le creux d’une clairière, avec pour seule sentinelle quelque animal sauvage ayant daigné répondre à sa silencieuse mais sincère amitié. C’est ainsi que peu à peu, pas à pas, il passe d’Orcylin à Orveil avant de s’échouer par un heureux hasard sur les rives d'Aquarine juste au sud. De là, il s'enfonce en territoire inconnu jusqu'à ce qu'Eldham l'héberge en son sein pendant plusieurs mois. C'est dans cette ville à nulle autre pareille qu'il se lie d'amitié avec de jeunes gens de son âge, de toutes les races et un peu comme lui laissé·es à elleux-mêmes. L'année suivante, le petit groupe se propose de s'aventurer ensemble au cœur des Bois Vibrants, mais par malchance ou peut-être par chance au vu de la réputation douteuse de cette forêt, Oloe préfère mettre les voiles vers les îles Lozia, le coin de la carte qui le fascinait le plus étant enfant.
1247
premiers balbutiements.
Pendant la traversée, il rédige ses premiers poèmes, maladroits et sentimentaux. Les membres de l'équipage, qui l'ont accepté à bord en échange de cristals d'étain, sont les premier·ères à l'entendre déclamer ses vers. Certain·es rient, d'autres l'encouragent, même si aucun·e de ces vieilleux loup·ves de mer ne s'y connaît en la matière. Tant pis, la machine est lancée et il est trop tard pour l'arrêter ; Oloe sera poète pour le reste de ses jours. Hélas, à peine débarqué en terre magrielle que des matelot·es sous les ordres des Varnalys reconnaissent le fameux fils dont plus personne n’avait de nouvelles depuis maintenant deux ans. La fuite n’est pas possible pour le globe-trotter qui se croyait à l’abri de tout châtiment et le retour au bercail est à la fois humiliant et épuisant. Une fois les remontrances assenées et les menaces au vitriol proférées — on était sur le point de le rayer de l’héritage familial, pire encore de l’arbre généalogique —, on s’empresse de lui rappeler le rôle qui lui a été échu à sa naissance, celui de reprendre l’affaire familiale et par là même assurer le prestige de leur nom. Le travail sera d’ailleurs ardu, car les mauvaises langues ne se sont pas gênées en son absence pour calomnier les Varnalys.
1248-1251
marionnette de chair et de sang.
À contrecœur, le jeune homme apprend les rudiments du métier de commerçant. Contrairement à ses rêves d’enfant, il ne s'aventure pas sur les mers et les océans, il envoie plutôt d’autres les braver à sa place et en son nom. Sous l’égide de la mère et du père, il se métamorphose en une voix lointaine et pourtant au zénith de son autorité, un aboiement de là-haut qui à lui seul dicte les courants et les passages, là où les un·es doivent aller et les autres revenir. Certain·es, bien sûr, ne reviennent pas et Oloe, l’âme en berne, se surprend à les prendre en pitié. De ses périples, lui non plus n’est jamais revenu.
1252
guerroyer contre les traverses.
Par un hasard que l’on aurait cru venir des déesses et des dieux, son vieux carnet de voyages réapparaît entre ses mains, ce même carnet aujourd’hui grisonnant de poussière et dans lequel, dans une autre vie lui semble-t-il, il a rédigé ses émois adolescents. Il se rappelle sa fugue, tous les kilomètres avalés par sa soif d’aventure, ses pieds meurtris le soir venu, ses yeux illuminés par l’azur, le cœur tourné vers l’inconnu. Il en a pleuré, des larmes, Oloe. Pour ce qu’il était, pour ce qu’il aurait voulu être, pour ce qu’il n’était pas. La même année, on le surprend à commettre de plus en plus d’erreurs, ici une commande envoyée avec du retard, là une lettre signée de l’un·e de leurs partenaires d’affaires des îles Lozia — des bévues que l’on pourrait voir comme de simples inattentions causées par la fatigue accumulée, car il est vrai que ce n’est pas un travail aisé pour une jeune personne de son âge. Mais ces inattentions commencent à faire beaucoup. Comment se fait-il que le jeune homme jusque-là réticent mais assidu à la tâche ait failli à ce point? L’aurait-il fait à dessein, pour se désentraver? On n’ose lui poser la question. On prend panique. Il faut sauver ce qui peut encore être sauvé, et vite. Du revers de la main, on fait tabula rasa sur la direction de l’entreprise, laquelle échoit à un·e lointain·e cousin·e, faute de mieux. Ça se fait rapidement, quelques signatures gribouillées sur le coin d’un parchemin et on n’en parle plus. Ça vaut mieux ainsi, qu’on se murmure comme consolation de fortune.
1253
les voiles d'or et azar.
Et puis, un jour, ça apparaît parmi le reste, l’air de rien, rien qu’un trait dans une arabesque. Ça apparaît. Son premier recueil de poèmes. Des poèmes en prose, des vers mal agencés sur ses odyssées passées. Des phrases de rien du tout qui croient révolutionner le monde. Une bagatelle, vraiment. Rien qui ne vaille la peine d’être lu ou même recopié. D’ailleurs, ce livre, personne ne le lit, encore moins ne le relit, à part peut-être lui, le poète qui n’en est pas vraiment un, sinon de pacotille. Pour gagner sa vie, parce qu’il a tout perdu en abdiquant le rôle de fils prodige, il s’engage comme marinier sur les Voiles d’Or, ce que son statut de laëris lui permet aisément. Presque du jour au lendemain, il renoue avec ses premières amours, les mots et la mer ; il a l’impression de goûter à nouveau à cette liberté à laquelle il croyait avoir renoncé à jamais. Et puis, il la rencontre, elle, arrachée de gré ou de force aux entrailles de l’enfer à voir son air à la fois farouche et apeuré, cet air propre aux gens qui ne connaissent hélas que trop bien la vie et la mort. Il ne sait pas ce qui l’attire vers elle, certainement pas de l’amour dans le sens qu’on lui donne, du respect tout au plus, peut-être sans qu’il n’en ait conscience sur le moment un désir inavoué de la sauver de cet extérieur qui l’effraie tant. On pourrait avancer sans risque de se leurrer qu’il préfère l’image qu’il se fait de cette femme que la femme en tant que telle, parce que cet amour mirage lui suffit. Il ne connaît ni son passé ni son présent, sinon les mensonges par omission qu’elle lui sert ici et là et qu’il accepte comme vérités, et leur futur commun chevrote au sein des faux sourires et des faux-semblants, souillés bien des années plus tard par le fantôme de cet enfant qui ne serait pas le leur et qui n’aurait de l’enfant que le nom. Les oppressions qui ont taraudé et taraudent encore sa route, qu’il devine sans peine mais qu’il ne peut évidemment comprendre, tout au plus prendre en pitié, il désire l’en protéger, quand bien même devrait-il passer pour l’éternel héros romantique et romanesque auprès de ses semblables, figure qui lui sied si bien à bien y penser. Alors c’est ce qu’il fait, il la laisse vivre sa vie et elle le laisse vivre la sienne, lui dans le cercle des ombres et elle chez les ailes carmines, leurs doigts désormais scellés par la promesse tacite d’Oloe de la préserver du venin qui persiste à survivre — cruelle nécrose — dans les veines de certain·es de ses contemporain·es. Il lui dédie même deux ou trois poèmes qui finiront leur courte existence quelque part dans un sombre tiroir, non pas parce qu’il n’ose pas les montrer aux yeux scrutateurs du public, mais parce que ça ne concerne qu’elle et lui, en quelque sorte l’effigie intime, peut-être un jour vestige, de leur amour platonique.
1255
le cercle des ombres.
Sous la bannière des Voiles d’Or, il voyage un peu partout à travers l’empire, même si des territoires étrangers il n’en voit que l’horizon, la seule chose perceptible des quais auxquels s’amarre le navire aux voiles safran, leur centre frappé d’une coquille noire. Les tâches qu’on lui confie sont insignifiantes et surtout éreintantes, mais il ne s’en plaint pas ; la mer à elle seule endort ses élans mélancoliques et le berce de ses humeurs parfois capricieuses, parfois chagrines. De passage aux îles Lozia à la fin de cet été-là, il revoit Aeglos, l’un de ses ami·es rencontré·es dix ans plus tôt lors de sa fugue adolescente. Le magriel lui raconte avoir été l’unique survivant de la fameuse escapade à travers les Bois Vibrants, les autres s’étant trop éloigné·es de lui au cours de la première nuit, leur curiosité triomphant de leur prudence, une erreur fatale dans ces lieux étranges. Les deux amis boivent un verre en l’honneur des pauvres âmes avalé·es par la forêt sans pitié et décident de passer les prochains jours en compagnie l’un de l’autre, à déambuler dans les rues de la capitale ou les boisés avoisinants pendant que le navire d’Oloe se ravitaille. C’est ainsi que les enjeux politiques d’Atalan en viennent à dominer leurs paroles et leurs pensées, le duo consumé par une colère partagée quant à la méfiance qu’éprouvent leurs semblables pour les fiel·les qui ne sont pourtant pas si différent·es d’elleux. Et que dire du silence borné des autorités laëris, encore à ce jour, sur les atrocités commises sur les magriel·les? Le monde ne va pas bien et à défaut de pouvoir le changer à eux seuls, ils se plaisent à le réinventer rien qu’avec des mots et des images qu’ils s’échangent, se partagent. Convaincu de la position politique de son ami, Aeglos finit toutefois par lui révéler à l’oreille le nom d’une société qui œuvre dans les coulisses à mettre un terme à l’oppression des laëris. L’elfe, membre de l’organisation depuis sa genèse en 1243, promet de parler en sa faveur auprès du Haut Conseil, même si le processus risque de prendre du temps, car n’entre pas dans le Cercle des Ombres qui veut. En attendant, Oloe songe à la dangerosité des missions que l’on pourra lui confier, si tant est que sa candidature est acceptée, et aux funestes conséquences oscillant au-dessus de sa tête qui adviendront si le masque lui est arraché, par sa faute ou celle d’un·e tiers. Il songe à tout cela et décide de n’en parler à personne, cela vaut mieux ; à partir de maintenant, il doit se faire ombre parmi les ombres, silhouette fugace et éculée.
1259
interlude.
Le temps passe et le Cercle semble se jouer de lui, c’est du moins l’impression qu’il lui donne à force de ne jamais répondre à ses lettres ou aux messages transmis par la pensée. Leurs communications, si tant est qu’on puisse les désigner ainsi, sont à sens unique, comme si le Haut Conseil hésitait encore à faire pleinement confiance à ce laëris au sens de la justice aigu mais aux mœurs si bourgeoises, presque précieuses par moments. Il est vrai que les informations qu’Oloe leur envoie restent de second plan, sans doute du remâché qu’iels savent déjà. Mais c’est qu’il demeure un marin comme un autre et même s’il fait de son mieux, il ne peut connaître les tréfonds de la pensée des haut·es placé·es. Il fait de son mieux. Mais ce n’est peut-être pas assez.
1263
le naufrage d'un trois-mâts aux voiles dorées.
Avant ce jour, il aurait dit qu’il connaissait la mer sous tous les angles possibles et imaginables, à force d'avoir sillonné cette immense étendue d’eau d’un côté puis de l’autre de la carte. Parce que la mer, même si c’est très grand et très profond, ça se ressemble toujours un peu, c’est plus ou moins le même décor qu’on soit à Bélès ou à Junfark. Alors oui, avant ce fameux jour de 1263, Oloe aurait dit qu’il connaissait la mer. Seulement, il y eu cette tempête venue des fins fonds de l’enfer, monstre de bourrasques et d’éclairs, héraut de malheur d'une fin du monde auréolée de cris et de pleurs. Une tempête qui à son faîte et non sans cruauté enfonce sa victime dans un cortège de rochers isolés dans l’immensité bleutée. Impossible de réparer les blessures, elles sont trop profondes et le sang noir et salin se répand là où il le peut, là où il le veut. On se tourne vers l’horizon où la nuit s’avance ; on se rend compte qu’il est impossible de gagner la côte à la nage sans périr par l’effort ou les bêtes affamées à un moment ou un autre de l’entreprise. Une poignée de braves — ou de désespéré·es — prennent place dans les canots de sauvetage avec l’infime espoir de s’en sortir ou tout au moins de s’approcher suffisamment d’un quelconque rivage pour y appeler à l’aide par la pensée. Oloe ne fait pas partie de celleux-là, il reste auprès de l’épave comme bon nombre de ses camarades et c’est là un choix heureux, car plus personne n’entendra parler de ces canots maudits, pas même des années plus tard. Les heures s’écoulent et à court de moyens, les naufragé·es parmi lesquel·les Oloe se résolvent à user de leur don de télépathie pour appeler à elleux tout animal marin dans les parages. Mais s’il est aisé pour des laëris d’entrer en communication avec les animaux, encore leur faut-il les convaincre de leur prêter main-forte. Les efforts sont soutenus et par là même éprouvants pour les troupes coincées sur leur misérable bout de terre, mais quand enfin un troupeau de dames acceptent de leur servir de moyen de transport jusqu’à la terre la plus près, certain·es parmi l’équipage refusent d’y voir là leur salut et choisissent d’attendre d'éventuels secours près du navire accidenté. Celleux-là non plus, on n’en entendra plus jamais parler, mais ça, on ne le sait pas encore. À dos de baleine, les laëris glissent sur les vagues pendant plusieurs jours interminables et suffocants, où la soif assèche les gorges et la faim creuse les ventres. Le ton a priori aimable des télépathes se fait pressant, presque coléreux par moments et une dame, sans doute piquée au vif, décide sans crier gare de plonger tête la première dans les noires abysses pour ne plus en ressurgir de sitôt et si brusque est son plongeon que ses malheureux passager·ères n’ont pas le temps de réagir tant iels sont pris·es par surprise. C’est dans ce climat de peur et de désespoir rampants que les naufragé·es atteignent finalement Orveil, où leurs mésaventures sont contées, puis racontées jusqu’à perdre le compte de qui a dit quoi. Pendant un temps, Oloe songe à écrire le récit de ce terrible périple pour mettre un terme une bonne fois pour toutes à l’idéalisation romanesque que se fait le public de l’affaire, mais la rédaction de cet ouvrage, ou plutôt des premiers chapitres, le rend amorphe et taciturne, et le projet tombe à l’eau — pour ainsi dire de la même manière que le défunt navire.
1265 jusqu'à aujourd'hui
les voiles noires.
Dix ans. Dix longues années. C’est ce qui aura fallu au Cercle des Ombres pour se décider à faire confiance à ce drôle de laëris prêt à s’oublier pour la cause et à tracer une croix à l’encre rouge sur ses privilèges raciaux dans le monde presque utopique dont iels seraient les seul·es architectes, à l’abri des oreilles et des regards. Un pari risqué, certes, mais le seul qui puisse à terme renverser l’empire né d’une hécatombe par trois cents fois oubliée. Agenouillé, Oloe observe les flammes éteindre les mots du parchemin reçu, les mots appris par cœur dans la dernière heure, ses muscles tendus sous le tissu. Dans son dos, des ouvrages par centaines, tous bien rangés dans un ordre particulier, leur cœur noirci par les horreurs racontées. Il observe les flammes. Il sait ce qu’il doit faire, il sait ce qu’il fera. C’est un Varnalys, aucune porte ne lui est fermée, aucune lettre de recommandation ne lui sera refusée. Bien sûr, on regrettera son absence dans les rangs des Voiles d’Or ; c’était un marin des plus exemplaires pendant tout son service, se lamentera-t-on avec un trémolo dans la voix. Mais les ordres sont les ordres, même s’ils refroidissent à présent dans le foyer des Varnalys. Puisque le Haut Conseil l’a décidé, il s’exécuterait sans rechigner. Il monterait à bord des Voiles Noires, le vaisseau à la solde de l’empire le plus réputé et le plus craint de tout l’Abysse du Vassion, pour en extraire le moindre secret et la moindre information. Il y monterait, oui, sans se douter d’à quel point la chute serait douloureuse.