(fb) elysium.

L

'ombre s’est échouée sur les rives de la montagneuse. elle a laissé derrière elle toute trace de ses souvenirs, enterrés sous ses pas, restés bien loin là-bas. il fallait partir; il fallait s’enfuir. déterminée à se prouver que rien n’aura jamais raison d’elle. si même la mort ne veut toujours pas de toi, qu’est-ce qui te retient encore là ? alors elle a pris son sac, partir léger et le cœur lourd. partir sans se retourner, peut-être pour toujours. le poids de la trahison traîne encore tel un boulet à son pied. elle a bravé les vagues, bravé les tempêtes. s’est appropriée de tout ce qui s’est dressé sur son chemin. ray n’a peur de rien. ray n’a peur que d’elle-même. cachée dans un navire des mois durant, sans aucune notion de temps. sans savoir où elle allait se retrouver, où la mer allait la recracher. qu’importe.

il lui fallait juste partir.
comme si le passé n’avait plus son mot à dire.

la carcasse se traîne jusqu’en haut de la montagne. monter, monter, toujours monter. toujours plus haut pour se donner l’impression de contrôle. comme si c’était suffisant pour alléger ses épaules. la main se tient le flanc, blessée alors qu’elle a tenté de s’échapper du navire. tantôt elle s’arrête, tantôt elle s’étire. le regard s’attarde sur les terres inconnues, elle reprend lentement son souffle, elle se sent perdue. en attendant, elle s’appuie contre un tronc d’arbre, s’insuffle de ces odeurs nouvelles, de cette nature qui semble vouloir l’attaquer, elle aussi. tout semble hostile. l’accalmie, surtout. trop habituée aux crépitements des terres volcaniques et aux grondements des orages. trop habituée à répondre aux intempéries pour savoir comment dompter le repos. elle se tient à l’écorce, admire le paysage. écoute le chant des feuillages, se laisse caresser par les couleurs vives de l’horizon. sa respiration se stabilise enfin et elle panse sa blessure comme elle peut, gardant une main protectrice alors que le feu qui s'y loge ne sait que détruire. elle marche. elle marche, elle marche, elle marche. accompagnée par les scènes qui l’entourent et qui défilent, les heures offrant à ces images de multiples nuances. elle marche, se traîne toujours jusqu’à approcher eldham. cachée derrière un arbre, la capuche d’ombre remise sur la tête, ray observe. ray hésite. reculer ou avancer. avancer ou regretter. le regard se perd ensuite sur sa paume libre. le feu a retrouvé son calme, comme bercé par la nature environnante; endormi par ce nouveau monde encore plus grand que lui. son poing se serre, elle regarde de nouveau la vie qui s’agglutine au loin, à l’entrée de la ville. l’animosité et les rires. tout ce qui n’existe plus que dans ses souvenirs. les traits s’assombrissent, coupable d’avoir déterré de vieux songes. ils s’effacent d’un battement de cils; il n’y a plus de place pour les mensonges. un craquement attire son attention, la remet aussitôt sur ses gardes. elle se retourne d’un coup, la dague dégainée de sa main libre, fébrile, l’autre toujours appuyée sur sa plaie. « qui va là ? » elle aurait pu être plus rapide. elle aurait pu anticiper le pire. tuer avant même qu’il ne puisse se manifester. coupable, coupable, incapable. d’un coup, la dague se retrouve au sol. la sorcière se plie en deux, les traits tirés par la douleur. elle jure, se maudit, voit déjà sa perte la faucher à peine arrivée.

que croyais-tu, ray?
l’enfer n’a jamais été un lieu.
il a toujours brûlé dans tes yeux.