You’re all I need (Nelis)

Il n'avait pas eu d'autre choix que de partir, finalement. Après bien des entretiens, bien des questionnements et trop de doutes, il avait repris la route. Parce que la recherche de sa soeur nécessitait tout ce qu'il possédait d'attention et de concentration, il était parti. C'est en sellant sa jument qu'il se rendit compte qu'il avait terriblement besoin de se ressourcer hors les murs de la ville et il secoua la tête, souriant en coin. Combien d'années encore allait se passer avant qu'il parvienne à s'écouter totalement, et à accepter ses besoins en tant qu'individualité? Parce que s'il était entièrement dévoué au Conseil et à Syràn, il en oubliait parfois un peu sa propre trajectoire et si cela ne le dérangeait pas, la plupart du temps, la culpabilité qu'il ressentait en cet instant, en quittant la cité menaçait de l'engloutir. Mais il se rasséréna; il savait que sitôt juché sur sa jument, les murs de Laëwaes loin derrière lui, il n'y penserait plus. Et cela n'échappa pas à l'habitude. Il sentit peu à peu la sérénité revenir en lui, et bien avant que les sabots de Liessa achèvent de claquer sur des pavés, il se sentait mieux.

L'univers émeraude s'étalant sous ses yeux était tout bonnement rafraîchissant et il s'évertua à en observer la vie qui frémissait où qu'il pose les yeux. C'est ainsi que son coeur s'apaisa, alors qu'il ne pouvait détacher son regard de la cour assidue qu'un oiseau faisait à sa compagne, et qu'il parvint à poser à nouveau un œil objectif sur sa situation. Il n'était pas sûr que Lilya ait bien été enlevée, et même si ce départ soudain était étonnant, il aurait cru voir arriver une demande de rançon bien plus tôt que cela. Ainsi, il commençait sérieusement à se demander si elle n'était pas partie d'elle-même, et quand bien même cette idée lui paraissait saugrenue, il décida de ne plus la rejeter aussi définitivement qu'il avait bien pu le faire auparavant. La vie était pavée de surprises et de rebondissements, il n'était pas le seul à s'en faire la réflexion alors, autant rester ouvert aux idées qui lui viendraient la concernant. Et si c'était Jasper...? Secouant la tête, il ne put s'empêcher de douter de celle-ci. Ils avaient toujours été en bons termes et si Jasper en voulait à quelqu'un, c'était plutôt à lui.

ton esprit est perturbé, vieux frère. loin au dessus d'eux, Griffe d'Or tournoyait, cherchant une quelconque anicroche sur leur route. Lié à son esprit depuis quelques années, il n'avait sans doute pas échappé à quiconque tentait de l'observer attentivement que le faucon s'était attaché à ses pas, sans qu'il ne soit nécessaire de le mentionner. Il était porteur du Vif, Nelis et s'il n'avait jamais eu honte de cela, au contraire, il savait que la magie de Laëris était mal vue par ici alors, il faisait attention. Sans que Griffe n'en ait jamais ressenti aucun mal, ils cachaient leur lien si lumineux, si évident. « Je réfléchissais à Lilya, encore. ». Il sentit l'approbation venir droit du coeur du faucon jusqu'au sien, tant ils partagaient les mêmes valeurs; loyauté, famille, honneur. nous la retrouverons.. Nelis sourit. Il n'y avait aucun doute dans la pensée de son ami volant, seulement l'assurance tranquille de celui qui sait, celui qui ne flanche pas. Et quelque part, il savait que tout comme lui, il ne lâcherait pas cette quête jusqu'à ce qu'ils l'aient retrouvée.

Deux jours passèrent avant qu'il atteigne la clairière qu'il connaissait bien. C'était son mentor qui la lui avait légué, quelques temps après sa greffe, en cadeau qui se transmettait de générations de maîtres, en générations d'apprentis. Et il avait lui-même donné une clé à Iris, pour qu'elle ait un chez-elle, enfin. Il se demanda brièvement si elle serait là, elle qu'il n'avait pas vue depuis des mois, et trouva réponse dans la faible traînée de fumée qui s'élevait de la cheminée. Souriant, il amena Liessa aux écuries, la dessella puis la pansa avant de la laisser se reposer, la sentant frémir à l'idée de tout le foin qu'elle pourrait avoir. Sans trop sonder son esprit, il pouvait discerner Griffe d'Or volant à quelques lieues de lui et le laissa à sa chasse discrète. Poussant la porte de leur maison, il déchaussa les bottes de voyage et pénétra dans la demeure réchauffée par le feu de la cheminée. Tout dans l'endroit hurlait le nom d'Iris, de ses chausses déposées négligemment dans l'entrée en passant par le livre abandonné au canapé, jusqu'au parfum de fleurs sauvages qui flottait encore dans le salon. Et c'était si rassurant, quelque part, de la savoir présente dans ces moments de doute, qu'il faillit appeler son nom. L'imaginant endormie, il se retint, finalement.

Persuadé par le silence frappant la maisonnée du repos pris par son ancienne apprentie, il poussa la porte de la salle de bain pour se laver avant d'investir le canapé et le spectacle lui ravit toute contenance. Détournant le regard d'Iris prenant son bain, il s'exclama « Excuse moi, je te pensais endormie ! » Il referma la porte et s'enfuit vers le salon, très légèrement honteux de ce qu'il venait de se passer. « Je t'attends plutôt ici ! » Le ricanement qu'il entendit dans son cerveau ne pouvait venir que d'une personne et il poussa son esprit vers Griffe d'Or « Un commentaire ? » Le rire s'intensifia et pourtant, il ne se permit pas une parole déplacée Aucun, vieux frère !.

@Iris Dragan + mention @Jasper Aurdoza

Assis sur le canapé, il se demanda un instant pourquoi il avait autant de difficultés à accepter ce qu'il venait de se passer. Les années étaient passées et il en avait écoulé quelques unes avec Iris, s'apprenant l'un l'autre à mesure que les jours s'égrenaient. Elle avait atteint plusieurs stades qu'il avait adoré découvrir avec elle, plusieurs fois elle avait manqué s'effondrer mais jamais, jamais elle n'avait fléchi et rapidement, elle avait gagné en forces; mentale et physique. Il était fier de la jeune femme qu'elle était devenue et lorsque son apprentissage s'était terminé, elle avait acquis tout ce qu'il était en mesure de lui apprendre; le reste viendrait d'elle, il ne s'était fait aucun soucis à ce sujet. Scrutant l'esprit de son ami, il entrevit qu'il s'était éloigné, rapace destiné à la chasse, mais il le repoussa d'un geste négligent et Nelis lui laissa l'opportunité de passer un instant seul; ce lien qu'ils devaient maintenir caché lui était essentiel depuis quelques années et s'ils avaient compris qu'ils avaient besoin l'un de l'autre, des périodes plus ou moins longues pouvaient s'écouler sans qu'ils se cherchent, sans qu'ils se trouvent, et leurs retrouvailles en étaient plus belles. Griffe ne l'aurait jamais dit, mais leur attachement mutuel était viscéral et bien plus encore que ce que les mots pouvaient en dire.

Des pas le tirèrent de son rêve éveillé et, souriant à la nouvelle venue, il lui rendit l'accolade dans laquelle elle ne manqua pas l'envelopper, comme chaque fois qu'ils se retrouvaient. Ils partageait la maison depuis plusieurs années maintenant, mais leurs entrevues étaient rares, biannuelles au mieux, s'ils parvenaient à se retrouver sur la seule date qu'ils avaient tenté de s'exiger l'un l'autre. Ils se racontaient alors le monde, leurs occupations, les missions et parfois, dans des termes plus doux, chuchotés presque, ils parlaient de leurs rêves, de la couleur qu'ils avaient pris, et de choses qui donnaient l'impression d'être enfermés dans une bulle qui n'existait qu'ici. Ses yeux parlaient plus qu'aucune autre parole et il coula sur elle un regard qui signifiait tout le reste. Tu m'as manqué aussi. Je suis content de te voir. Ne laissons plus passer tant de mois. « Je suis content également, cela faisait longtemps ! Nous avons du temps à rattraper ! » Se dirigeant vers la table, il sortit de son sac des réserves de nourriture pour la soirée qu'ils allaient passer là et, attrapant un morceau de viande séchée, il lui montra ce qu'il tenait « De la viande de siffleur, je sais que tu raffolais de ça pendant ton apprentissage ! » Combien de fois s'était elle plaint du manque de variété de leurs repas et combien de fois lui avait-il répondu par un simple sourire? Au son tonitruant de son estomac, il fut rassuré ; les années avaient beau passer, elle ne changeait pas. Il lui tendit une miche de pain aux herbes et jeta une casserole pleine d'eau sur le feu de la cheminée pour préparer une soupe.

« Je vais me passer du bain; mais dis moi, es-tu en train de me reprocher une quelconque odeur corporelle nauséabonde ? » Il fronça les sourcils, faisant mine d'être énervé et jeta dans l'eau qui fumait déjà un brin d'herbes aromatiques et un morceau de viande qu'il destinait à Griffe, avant que celui ci ne lui avoue qu'il trouverait mieux en chassant de son côté. Déjà, il se sentait mieux, Nelis, plus apaisé, comme si elle était un baume à son coeur blessé, à ses côtes douloureuses mais le souvenir de Lilya errait quelque part dans son esprit, et il ne parvenait pas à se débarrasser de cette impression de vide. Quelque chose était arrivé. Suspendant son geste un instant, il se tourna vers elle et attendit de reprendre contenance avant de lui avouer. « Il s'est passé quelque chose. » Doucement, il lui raconta la disparition de sa soeur, l'absence d'indices, l'incompréhension totale de ce qui venait de se passer. Il lui conta tout, comme son inquiétude, et l'inutilité prégnante qui embrumait son coeur. « J'espérais que ton avis sur la question pourrait m'aider. »

@Iris Dragan