of dreams and dragons (ft. Elio)

Kell avait souvent des mauvaises idées. Ça lui venait naturellement, elle tournait juste la tête et ça venait à son cerveau ; oh, tiens, une pente, à quel point était-elle pentue ? Et ce couteau, est-ce qu'il coupait bien ? Puis ce type, là, il était vraiment étalé au sol ou c'était... Bref, toujours une question à résoudre, et très souvent, c'était les mauvaises questions. Elle ne demanderait jamais à Nelis "Tiens, c'est quoi le meilleur moyen d'en finir avec un foënard ?"... Enfin, si elle posait cette question, ça voulait quand même dire qu'elle prévoyait d'en combattre un et c'était aussi une très mauvaise idée. Mais elle aurait dû lui demander, sauf qu'elle ne prévoyait pas toujours ce qu'elle faisait, Kell, et qu'elle avait eu l'excellente idée d'aller à Junfark.

Là où il y avait les Fiel, des flammes, de la magie, bref, tout ce qu'elle ne maîtrisait pas et elle craignait les flammes en plus, depuis un certain incendie qui avait évincé sa famille. Mais elle cherchait à savoir à quel point elle en avait peur et si elle pouvait lutter contre. C'était con, c'était stupide, c'était Kell, et Nelis allait très probablement avoir des envies de meurtre sur son apprentie. Clairement, en terme de sagesse, Kell n'était pas dans la moyenne ; curiosité qui la poussait un peu trop souvent à se jeter la tête la première dans des ennuis qu'elle ignorait, et qu'elle tentait d'essuyer d'un haussement d'épaules.

Pour sa défense, la rousse s'en tirait très bien jusqu'à présent. Elle avait soigneusement évité les sorcier.ères, elle n'avait volé personne ─ peut-être car elle avait fait du stock à une destination précédente, d'accord ─ et elle ne s'était pas frottée à des créatures qui étaient hors de sa portée. Cependant, si elle avait mieux écouté les leçons et les histoires, elle saurait que les landes étaient des territoires dangereux et qu'il était rarement bon de s'y promener sans personne à ses côtés. Elle n'était pas très profondément dans les landes, ce qui faisait qu'elle pouvait aisément faire demi-tour, mais... C'était pas très drôle, d'abandonner si vite. Même si les terres étaient majoritairement mortes, elle se disait qu'elle avait de quoi s'en sortir et qu'en plus, elle était endurante. Persistante. Courageuse.

Eh bha, tous ces beaux mots se sont envolés au moment où elle entendit le cri d'une créature. La rousse se figea sur place et uniquement ses yeux analysèrent les environs. Rien à sa hauteur. Rien en bas. Cela voulait dire qu'il ne restait... Que le ciel. Très lentement, elle releva la tête et regarda haut, très haut, l'ombre qui commençait à parcourir les landes à toute vitesse, les ailes déployées et qui crachait quelques flammes. Bien. Très bien. Elle allait mourir, c'était sûr, sa brise-aube n'allait pas retenir une telle créature, ni même la blesser, ou alors une coupure si minimum que le foënard allait lui cracher à la gueule pour se moquer.

Et elle s'envolerait en plus s'il soufflait. Il transpercerait aisément son cuir parce qu'elle préférait la mobilité aux armures lourdes.

Putain de bordel de merde.

Le foënard se posa sur le sol, qui trembla sous le poids de l'atterrissage, et elle fut persuadée qu'il était en train de sentir le prochain repas qu'il allait se faire. Kell dirait qu'elle était un peu trop nerveuse pour être mangée, mais elle n'était pas persuadée qu'il se faisait la même réflexion qu'elle. Enfin, la renarde eut une réaction appropriée et elle se mit à fuir à toute vitesse, rebroussa chemin. Sauf que la créature l'avait vue et qu'elle démarrait aussi. Elle se promit intérieurement que si elle survivait à ça, elle serait plus sage à l'avenir ; ou qu'au moins elle essaierait.

Le soleil était haut dans le ciel lorsqu'Elio avait décidé d'aller cueillir dans le territoire désolé des landes vastes de la Mélampyre d'Écho, afin de parfaire sa collection de potion. Il n'avait jusqu'alors réussi qu'à faire éclore un seul Élixir de Sang Congelé, par manque de cette fameuse plante qu'il ne trouvait en nombre qu'au cœur de ce désert inhospitalier, dans lequel il ne se rendait qu'en de rares occasions. Territoire favori des foënards, insensibles en plus à sa magie sorcellerie, ce lieu était le seul où il se rendait avec la peur ancrée au creux du ventre.  
Pourtant ce jour là, où il avait revêtu une tunique blanche afin de résister aux flammes ardentes que le soleil dardait sur lui, où il s'était soigneusement armé de son siphon d'âme afin d'intensifier sa magie (au cas où), ce jour-là il sentait au fond du cœur comme un appel céleste - il devait se rendre dans les landes vastes, il l'éprouvait dans toute son âme.

Ses pas l'y avaient donc mené, et alors que le soleil marquait de son horloge le début de la matinée, il se laissa surprendre par un cri volatile provenant des profondeurs du ciel. Oh, non. qu'il pense, sans retenir le moindre juron. Lève ses yeux sombres vers l'astre du jour, y voit voleter avec un charme indéniable une de ces créatures gigantesques, aux ailes rousses et dentelées, à la gueule sauvage, symbole de mort.
C'en est fini. La magie du sorcier ne peut même toucher cette bête, tant elle y est insensible, et sa force physique ridicule ne parviendra qu'à caresser la lourde fourrure écaillée du Foënard aux allures de dragon antique.
Il surplombe la scène, Elio, du haut d'un rocher nommé falaise, et il ne peut retenir un sourire narquois lorsqu'il constate qu'il n'est pas la cible encore de ce monstre aux flammes amères. Une rouquine semble perdue dans les landes, la brise-aube inutile adossée à ses flancs, et c'est vers elle que se tourne la rage de la bête.
Elio cueille sa Mélampyre (n'en oublie pas l'essentiel), et s'apprête à discrètement quitter ces terres sombres en se faisant oublier autant que possible par le Foënard meurtrier.

Non, ce ne peut être la fin de ce rp à peine débuté.
Elle court, la terrible cible humaine, elle court court court. N'ira jamais aussi vite que ne le permet le vol d'un Foënard, peut-être profitera-t-elle quelques instants de sa lenteur au sol, avant que la bête ne réalise qu'elle peut la cramer du haut de son perchoir. Perchoir présentement occupé, par Elio lui-même.
Il pousse un soupir, en voyant qu'elle n'est pas si loin que cela de la zone villageoise, qui repoussera naturellement le Foënard - ils ne sont pas créatures à s'aventurer vers des territoires occupés. Décide en un éclair de l'aider. Un peu, tant qu'il peut, comme il peut - sans pour autant se mettre à son tour en danger. D'un murmure, il invoque un sortilège d'évasion, permettant à la belle demoiselle ciblée de franchir les quelques mètres qui la séparait du village, par magie.
Il n'est pas agréable ce sort, il provoque chez les non-sorcier.es des relents de nausée, mais il pense (peut-être à tort) que la belle rousse préférera vomir ses trippes que de les voir étalées au sol et dévorées par un Foënard affamé.

Il ne tarde pas à proférer le même sort pour se protéger lui-même, craintif qu'il n'est de subir le courroux vengeur de la créature, ladite créature poussant un hurlement plaintif en voyant ce qu'il pensait être son modeste repas disparaître.
« C'est ce qu'on appelle l'échapper belle. » Il est apparu aux côtés de la rousse, qu'il se plait désormais à détailler. Elle a la beauté sauvageonne des âmes roublardes, et ne provoque en Elio pas la moindre confiance - néanmoins, il voit déjà en ces yeux mutins et secoués de nausée qu'il va s'amuser.
Il jette un regard aux landes vastes s'étalant derrière lui, désormais - le Foënard a repris sa toute puissance dans les airs, et d'un vrombissement de ses magnifiques ailes, détourne le cours de sa vie en s'enfonçant profondément dans les ailleurs de son territoire dévasté. Il n'a plus que Kell à observer.