sulfure augure - kickass #1

cw: mention d’animal mort et de chasse.

La chasse a été rapide, mais moins que ce que la prêtresse escomptait. Lorsqu’elle ressort des bois, un Coureur mort attaché par les pattes et tenu dans une main, elle contemple le paysage différent de la forêt dense restée dans son dos ; il y a devant elle quelques collines aux herbes hautes, sur lesquelles le vent matinal déploie des caresses évanescentes. Évidemment : aucune trace d’Asmodem. Le décor est peuplé d’une faune et d’une flore rarement inquiétés, mais la carrure altière de la Syràn n’en fait pas partie. Rhaelikss ne s’en étonne pas. Jusque-là, c’est exactement ce qu’elles avaient prévu.

Elle remonte d’un pas souple le chemin emprunté à l’allée, jusqu’à retrouver, comme prévu aussi, le sceptre squelettique. C’était donc de lui que venaient les couinements… La Fiel se positionne devant, sa prise ballant mollement à bout de bras, son arc dans l’autre main. Le crâne s’arrête momentanément de chialer, levant son regard imaginaire jusqu’à la silhouette sinistre et menaçante qui s’est plantée devant lui. Mais même ça, ça ne semble pas le consoler. Il reprend ses sanglots et ses cris, pleurant l’abandon dont il est l’objet. Rhaelikss a un soupir théâtral de madone en haillons, avant de passer son arc autour de sa poitrine pour se libérer la dextre qui vient saisir le sceptre. “Calm down. We'll find her.”

Tandis qu’elle poursuit sa progression et observe attentivement l’environnement, le pouce de la prêtresse tâte et taquine les traits ouvragés du crâne, sans considération aucune pour ses jérémiades agacées ni les petits coups que ses doigts squelettiques flanquent aux siens. Elle en apprécie le travail imaginé, ressent sous sa pulpe tout ce que le matériau garde de comprimé ; l’horreur d’un esprit détraqué, le sombre de sa fertilité, ses nuées glauques et chaotiques bien loin des imaginations honorables dont les Syràns ont habitué tout Atalan. Qui a bien pu maudire l’ancienne Sentinelle ? Elle aimerait avoir de longues conversation avec cette personne, des conversations passionnées et abominables de Fiels qui s’échangent bons tuyaux et conseils.

Le murmure dans son oreille prend la prêtresse de court, qui se retourne et déplie par réflexe son bras armé du sceptre. Pas du sien. Mais de celui d’Asmodem. Les pleurs font aussitôt place à des exclamations de joie, non loin du long visage mat de Rhaelikss sur lequel une expression féroce de lionne s’est glissée par habitude. La tension se désagrège aussitôt que la voix de la Syràn se met à ronronner, et les lèvres charnues de la Fiel recouvrent bientôt ses canines qu’elle avait montrées. “So it seems.” La réponse s’accompagne d’un peu de déception, comme si l’idée de maudire Asmodem ne lui était pas aussi ennuyante qu’elle l’a prétendu. Mettre de son feu dans ce bout de femme, conquérir une terre déjà conquise ; rien que la prêtresse ne fasse pas déjà depuis des décennies. Un sourire ourle ses lippes à cette pensée. Elle se laisse emporter par l’adrénaline que le guet-apens a provoqué, goûte aux chaleurs de la proximité forcée. Elle avait oublié tout ça : l’autre genre de bouillonnement qui peut aussi dévorer les carcasses.

Rhaelikss lâche un regard vers sa prise, pendouillant encore dans son autre main. “Mh, yes. Not very fatty, but it'll do.” Elle remonte ses charbons jusqu’au minois très près d’Asmodem - elle sent encore l’incendie dont elle l’a tiré, mélange de suie et de chair brûlée. “I suppose? Don't worry, I'll let you eat it all this time.” Le velours de sa voix, chargé d’un grave perpétuellement solennel, prend une inflexion à la fois sincère à la fois mensongère. Rhaelikss a bien faim. Mais pas de chair de Coureur. Elle se contente à défaut de mieux de l’haleine d’Asmodem, qui lui couvre les lèvres de plusieurs souffles chauds. “Shall we?” C’est qu’elle ne peut pas se dégager de la clé de la guerrière. Elle n’en a ni les compétences, ni particulièrement envie.

cw: feu, brulure, gore, boucherie 101

La fureur de Rhaelikss la ferait presque ronronner et Asmodem admire la manière dont les émotions déforment les traits de la Fiel. “So it seems. – Disappointed?” Elle ne verse pas dans ses idées stupides que le racisme souffle à travers les quatres coin d’Atalan. Asmodem a assez voyagé pour s’être forgé ses propres opinions, a rencontré assez de Fiel pour savoir qu’iels ne sont pas plus mauvais.e que les autres races.
En avoir torturé quelques-uns sur les deux dernières années a aidé aussi à se forger cette opinion.
Tous misérables dans la souffrance.
La pitance est indiquée et une nouvelle pique est offerte, à la recherche de l’équilibre voué à exister entre elles. “We’ll share. I’m not a monster, I just create them.” Contre son gré, c’est tout ce qu’elle peut faire. Elle l’a accepté et son attention se reporte sur son scèpte qui chouine encore entre les mains de Rhaelikss. Ses doigts relâchent doucement la prise, remontent sur le dos de la main de Ikss, effleure ses doigts et saisit le bâton fait de sa magie. Elle regarde à présent le crâne sans yeux, la petite main qui se tend inlassablement vers sa créatrice. “Sleep”, est échappé dans la langue de son peuple et le sceptre disparaît en un nuage de fumée rouge, qu’Asmodem inhale distraitement. Ca goûte sa magie et le mercure.
Asmodem a récupéré le Coureur de l’autre main d’Ikss, leurs doigts lovés un instant infime, avant qu’elle ne retrouve la sensation écailleuse de l’animal mort. Elle marque un pas en arrière, indique le campement modeste créé. “I’ll cook it.” Parce qu’elle se rappelle du goût de braises du dernier repas qui lui a massacré l’estomac et qu’elle ne sait pas si Rhaelikss a tendance à trop cuire ses repas, ou non . “I got some berries as well, if you’re hungry in the meantime.” Asmodem ne détourne pas une seule seconde ses yeux de la proie abattue, aucune timidité dans la créature tuée. Ses doigts courent sur la peau tiède, entaille où il faut, étire la peau et arrache la majorité des plumes en une fois. Le bruit s’inscrit dans sa psyché et déjà elle sent l'intérêt de sa magie, une concentration sordide et solennelle sur son travail. Les os craquent sous son traitement et elle nourrit le feu des entrailles qui ne sont pas nécessaires, sauve le cœur, le foie, les poumons, la tête, qu’elle laisse cuire sur une pierre posée dans les flammes. “What were you doing in Aermagh?” La question vient, entre le son de la viande qui est maltraitée, le flot de ses pensées qui a fuit, vers tout ce dont elle peut penser: sa mort.
Et cette étrange connexion, de la présence de Rhaelikss dans le brasier de sa survie improbable.

@Rhaelikss

cw:description graphique (animal préparé), fanatisme religieux, mention de massacre et d'assassinat.

“We’ll share. I’m not a monster, I just create them.” Une épingle de sourire s’est glissée sur les lèvres charnues de la prêtresse. Si pour la syràn cet état de fait trahit la malédiction qui la frappe, pour la fiel il s’agit d’un don nouveau et merveilleux qui s’ouvre à elle. La prise sur le sceptre change d’une main à l’autre, s’accompagne de certains effleurements qu’elles ne s’empêchent pas de sentir.

Le crâne pleurnichard s’évapore alors en un nuage rouge qui leur pique les yeux et obstrue leurs poumons, sorte de petit démon ménageant ses effets ; Rhaelikss a une pensée attendrie envers son propre diable qu’elle congédie toujours dans des gueulements douloureux. Elle se demande quelle taille et quelle forme il aurait si elle avait le pouvoir de se l’imaginer comme Asmodem a imaginé son sceptre. Peut-être aurait-il l’allure d’un vaste enfer qu’on n’encellule pas dans la matière physique - peut-être aurait-il l’allure d’une syràn au regard perdu et malicieux.

Elles se détachent et Rhaelikss suit du regard le campement indiqué, apparu sous son regard désormais dans la confidence du sortilège. “I’ll cook it. I got some berries as well, if you’re hungry in the meantime.” La prêtresse se laisse guider, récupérant en effet les baies qu’elle grignote distraitement - après s’être assurée qu’elles soient bien comestibles - assise sur un bout de rocher. Elle ne détache plus les yeux de la besogne à laquelle la syràn s’applique, naturellement attirée par l’éviscération et les gestes mécaniques qui livrent au feu ce qu’elle considère être des offrandes. Rhaelikss peut sentir la satisfaction des flammes, elle peut sentir leur touffeur grossir et proposer à l’oxygène de la plaine de grandir comme un ixième buisson - celui-là rouge, jaune, et bleu dans son cœur. Un soupir contenté et vocal grimpe dans sa longue gorge à l’entente des os qui craquent, se brisent.

“What were you doing in Aermagh?” La troisième baie qu’elle avale glisse sur sa langue, puis éclate contre son palais. Débarrassée de son arc, qu’elle a posé à ses pieds, la prêtresse ressemble à une pleureuse noire assisse sur son morceau de roche. “Collecting food.” De la chair rôtie et en partie calcinée dont elle s’est sustentée les jours qui ont suivi la convalescence de la syràn. “Burning down a village.” Un sourire évanescent flotte sur sa bouche derrière laquelle les baies disparaissent comme les enfants dans les bois. Il y a de la folie dans son regard apaisé, de la folie dans la tranquillité de sa voix. Rhaelikss brûle : elle-même et ce qui l’entoure. Et elle ne s’en excusera jamais. Là où elle déroge cependant au stéréotype des zélateurs.ices de son coven, c’est qu’elle ne brûle pas n’importe quoi, ou n’importe qui. La mort n’est pas un cadeau qu’on offre à la légère. C’est une offrande, au même titre que les organes luisants et encore chauds dont Asmodem a nourri le feu. “A band of mercenaries who offended the gods.” Ce n’est pas une justification, à peine une information pour alimenter leur conversation. Peu importe à la fiel qu’on valide ou non sa conduite. Même à Junfark, où le peuple se plie à ses pieds et demande à ses mains des caresses mortifères, elle ne tire pas la moindre fierté de la considération qu’on lui (dé)voue. Elle n’a jamais répondu qu’à une seule entité, elle-même, au centre de qui elle sent distinctement brûler l’amour et l’approbation de Fimjir. Jusqu’au jour où il brûlera de déception et de réprobation et alors elle acceptera son sort, avec une humble dévotion.

“I was heading west to Dynacairn.” Elle essuie ses doigts sur une partie de ses haillons noirs. “Not that you asked where we were going.” Lui en a-t-elle seulement laissé le temps ? Pas tellement. Rhaelikss penche un peu la tête, ses longs cheveux bruns suivant le mouvement comme le rideau de la nuit. “Does the idea of killing the Emperor put you off?” demande-t-elle sur le même ton de la conversation.

cw: feu, brulure, gore, boucherie 101

“Burning down a village.” Asmodem s’arrête dans son geste, la dague imaginée, un silex taillé dans une matière vibrante et presque organique qui se serre dans ses doigts et rougit (la dague, pas Asmodem). La réflexion est évidente chez la Syràn, qui finit par abandonner un “I see”, qui n’a rien de jugeant.
Elle a fait pareil.
Elle a laissé les flammes d’Amarön dévorer une auberge, sans regard pour les âmes qui les entouraient et qui pouvaient craindre la mort.
Fut une époque, elle aurait sauvé les autres au péril de sa propre vie.
Mais maintenant, que vaut sa vie?
Que valent les autres?
…
C’est pour ça qu’elle a abandonné le nom de sa famille. Les valeurs qu’on lui a toujours répétées jusqu’à ce qu’elles deviennent son motto personnel, puis devenues aliens. Tout est étrange dans ce monde et peut-être n’y a-t-il plus que la violence qui fait sens.
Pourquoi s’émouvoir de la mort d’une personne, quand Asmodem ne s’émeut pas de la mort du Coureur qu’elle dépèce, reprend son geste, termine d’enlever les plumes récalcitrantes une à une. Il y a quelque chose de rassurant, d’enfoncer ses ongles dans une peau tendre et de retirer ce qui parait sale, maintenant. Qui était vital, quand le coeur battait dans la cage de l’animal.
(le coeur reste chaud, occupé à cuir sur la pierre au centre du feu).
“Which gods?” La question est posée, aussi distraitement que par celle qui s'apprête à cracher sur tous les noms divins. Asmodem a perdu la foi, avec son imagination tronquée. Si elle n’arrive pas à imaginer les dieux, concepts plutot que tangibles, pour elle, ils ne méritent pas d’être.
Qu’est-ce que ça donnerait, si elle s’imaginait un dieu?
…
Si elle n’avait pas quitté sa famille, elle aurait fini par en être exclue. “I was heading west to Dynacairn. Not that you asked where we were going. – I didn’t know we were an item yet.” L’oiseau en empalé sur un bout de bois taillé, le son rutilant de la viande qui se fait malmener savamment. Le repas est positionné prudemment au-dessus du feu, les entrailles retournées, sans un regard pour les flammes qui manquent de lui lecher les doigts. La dernière question, impie, ne la fait pas s’arrêter. Asmodem continue son geste, se lèche le pouce distraitement, coincé entre ses lèvres.
Elle regarde Rhaelikss.
“Is that what your gods told you to do?” Elle a un petit reniflement, étire sa propre chair brûlée douloureusement, la cicatrisation qui la démange et elle jette un coup d’oeil vers le ceinturon d’Ikss où se trouvent les fioles, avant de se désintéresser de la chose. “You’re just like any other.” Fiel? Terroriste? Fou?
Asmodem ne précise pas.
Elle jette un regard vers le feu, écoute le crépitement, se demande si elle y verra la colère de Fimjir. “You wouldn’t succeed.” Elle hausse les épaules, contourne les flammes, se pose contre Rhaelikss. Son corps s’appuie sur la figure de la sorcière, sa tête qui se repose sur l’épaule anguleuse dissimulée par les haillons. “You ran off in the opposite direction.” La pique est plus légère que la précédente observation.
Elle reste vraie.

@Rhaelikss

Le désintérêt et le dédain pèsent un certain poids sur la langue de la syràn. Une démonstration d’insolence dont la prêtresse se seraient bien foutue si elle lui avait été adressée. Dirigée contre les dieux, en revanche, elle lui semble comme de coutume impardonnable. Il est vrai que croire demande des efforts, et au-delà d’efforts un courage spirituel dont bien peu semblent en ce bas monde être doté.e.s ; comme il est simple de tourner le dos aux convictions, comme il est égoïste de se croire au-dessus tout. Asmodem n’est pas la première égarée qu’elle croise. Les routes et les villes sont peuplées d’êtres aussi creux que du bois pourri, dirigés dans la vie par la seule force des besoins primaires. On fait des bêtes plus inspirées.

“You’re just like any other.” A la fiel de renifler à son tour. “Remarkably ironic.” Son regard tranquille se perd au milieu des flammes, autrement plus visionnaires et passionnées que la syràn. “You wouldn’t succeed.” Elles ont ce genre de discours, les coquille vides. Défaitisme et désillusion ponctuent leur verbe. Un verbe insipide, dépourvu de toutes les couleurs qui forment les espoirs - naissants, ou terribles, ou vertueux, mais des espoirs malgré tout. “You ran off in the opposite direction.” Rhaelikss ne dégage pas la tête qui se pose contre son épaule. “Is that a comforting thought for you?” Du bout d’un petit bâton glané par terre, la prêtresse remue la viande qui cuit, la retourne quand cela est nécessaire. “The idea that someone cared enough to come to you?” Dieux ou Hommes. L’espoir, même infime et de la taille d’un brandon, qu’on ne soit pas oublié.e par l’univers.

La fiel tamise le feu d’une main tendue, l’oblige à ne pas gâcher la viande déjà trop cuite. Elle plante son petit bâton dans un premier morceau, l’ôte de sa pierre et le tend à Asmodem. “Most people do not survive a fatal fire.” Elle en sait quelque chose. “Yet, some do.” La syràn en sait quelque chose aussi. Les longs cheveux bruns glissent sur les épaules de Rhaelikss lorsqu’elle ramène son visage vers les crépitements et la nourriture. “Maybe I won't succeed. Maybe I will.” Le morceau cédé à la guerrière, elle plante derechef son petit bâton dans un autre bout, le plus menu. “It's not up to you to define my destiny.” L’autorité de sa parole dépasse sa bouche. Elle s’élève au-dessus d’elles comme les flammes s’élèvent dans l’atmosphère là où le geste de la sorcière ne les a pas contraintes à se réduire. “What I need to know is, will you come with me to Dynacairn to complete my work? Or is there a remnant of the Sentinel in you that will try to stop me?”

cw: feu, brulure, gore, mention de suicide

Asmodem reste une créature de proximité, qui a besoin du contact, de présence. Son imagination pourrait lui suffir, mais Rhaelikss a ce petit quelque chose, qui fait qu’elle pourrait tout aussi bien venir de son monde tordu et détruit qui existe derrière les paupières d’Asmodem
C’est l’air rachitique et malingre, à n’en pas douter.
“Is that a comforting thought for you? The idea that someone cared enough to come to you?” Elle a un semblant de rire, un son rauque et douloureux aux oreilles, à la gorge. “You do not care about me.” Elle crée de l’horreur qu’elle extrait de sa pensée, ça ne veut pas dire qu’elle est stupide pour autant. Il y a quelque chose de terriblement beau et savant, dans la perversion du réel. “You care about your god. Not me. Otherwise, you’d have let me die. – Most people do not survive a fatal fire. Yet, some do.” Asmodem accepte le morceau qui lui est offert, le coeur du Coureur. Elle laisse la chaleur s’imprégner dans ses doigts, écrase un peu l’organe qui se déforme sous sa pression, viande faible et malléable sous la chaleur des flammes. “Let me guess, the ones who do not ask to survive, do?” Sarcasme sur la langue, qu’elle remplace par le début du repas.
Il y a une parole sur le destin, et Asmodem repense à cette promesse d’une oracle, de son lien avec un Fiel. Elle soupire, frotte un peu sa tempe contre l’épaule de Rhaelikss, rit pour elle-même. “Destiny is a bitch.” Si Ikss avait encore des doutes sur l’appartenance de la Syràn. “I havn’t been a Sentinel for a while now.” Le titre, seul, est étrange dans sa bouche. Asmodem n’est plus grand chose depuis deux ans, destruction et dissolution de la personne qu’elle a été.
Qu’elle ne pourra plus jamais être.
Elle le sait, le sent dans ses veines et dans son imagination.
Elle n’est plus une Azalae.
Si le vent, parfois, ne l’embrassait pas de son souffle chaud, oublierait-elle la bénédiction de Lesyn.
Maintenant, elle ne sent plus que le baiser de la mort et des flammes, sur elle.
“You saved me.” Et c’est dit avec tout le venin que les maitres des poisons possèdent. “Now I’m your responsibility.” Joueur à nouveau, comme si Asmodem avait pris sa décision.
Elle ne sait pas quoi faire de sa vie.
Elle n’en voulait plus.
Et même ça, on lui refuse.
“Maybe I’ll drive you crazy. Maybe you’ll curse me, too.” Est-ce qu’une deuxième malédiction serait assez forte pour défaire la première?
Non, elle ne doit pas penser à ça.
Amarön lui a promis.
Et qu’est-ce qu’une malédiction, à part une promesse noire?
“You’ll learn that some people are not deemed saving.” Asmodem rapproche ses jambes de son corps, referme ses bras autour, la cape empruntée qui dissimule l'entièreté de ses brûlures. “But who are we, to fight that Destiny, eh?”

@Rhaelikss

“You do not care about me. - I cared about your smoke.” Ce qui ne fait aucune différence pour la prêtresse. Les corps qui se consument ont une odeur de brûlé, mais elle n’est jamais exactement la même. Et les fumées qui s’élèvent, haut au-dessus des bûchers, roulent chacune différemment dans les ciels qui les accueillent. Ainsi, tout comme un visage fait l’identité d’une silhouette, l’ignition fait aussi l’identité d’un être ; la fumée d’Asmodem était fine et tortueuse, plus gavée de noir que de gris, dispersant ses cendres au vent comme un chant malheureux.

Elle laisse la syràn à son sarcasme, consciente qu’il faut laisser le serpent planter ses crocs et lâcher son venin puisque telle est sa nature. “Destiny is a bitch.” Ce qui a le mérite d’arracher un sourire à la fiel. Elle entend souvent ça, ou sa variante we're the bitches of destiny, et tout est très vrai. C’est pour ça qu’elle l’aime tant, la destinée, connasse qui ne rougit devant rien : ni la cruauté ni la déloyauté. “I havn’t been a Sentinel for a while now.” Rhaelikss sent la tempe d’Asmodem se frotter contre son épaule, bascule un moment son visage vers son front pour en observer les rides d’épuisement. Elle accueille la bonne nouvelle d’un mouvement de tête satisfait, avant de revenir à sa viande qu’elle mange sans avoir faim. “You saved me,” dit-elle, encore. C’est qu’elle tient à le croire. La prêtresse la laisse dire, comme elle la laisse promulguer une loi sans fondements, sortie d’elle ne sait où. Elle peut le croire aussi, si ça lui permet de l’embarquer dans ses haillons. Rhalikss a besoin d’une lame, d’un.e guerrier.ère : que cette lame et ce.tte guerrier.ère soient rouillée et hagard.e lui importe peu.

“Maybe I’ll drive you crazy. Maybe you’ll curse me, too.” Un rire velouté. “What's left to curse?” Sa mastication reprend, avant d’avaler ce qu’il restait de viande. Elle pourrait maudire sa beauté mais qu’est-ce que ça pourrait bien lui apporter. “You’ll learn that some people are not deemed saving.” Amusant. Qu’on lui dise devoir encore apprendre des choses sur la nature humaine. Rhaelikss recule d’un geste de main et ses soixante ans et la pierre plate qui a accueilli les abats. “You talk like a man.” Pour sa condescendance. “And a defeatist.” Pour le reste. “Hopefully you'll kick the habit on the way.” Elle retourne encore une fois son visage, un petit sourire secret sur le bord des lippes, ses charbons tombant à nouveau sur la tête affaissée d’Asmodem. “Talking like a man,” précise-t-elle doucement.

Puis la prêtresse se recule contre la roche où elle s’est perchée auparavant, ses lombaire butant contre, avant de s’y adosser. Elle a emporté la syràn dans son mouvement, pour lui permettre de se reposer plus confortablement contre elle. “And what do you think yours was?” Elle ramène un seul genou vers elle, son pantalon de voyage, pratique et solide, accueillant un bras qu’elle pose négligemment dessus. Sa cape lui manque. Elle a l’impression d’avoir perdu son allure habituelle comme la nuit perdrait son manteau. Pourtant, elle la laisse volontiers à Asmodem. “Or should have been, if you hadn't been cursed?”

cw: feu, brulure, gore, mention de suicide

“What's left to curse?”  Asmodem serre les mains, par réflexe plus que par heurt. Rhaelikss n’a pas tort. Elle est très au courant, la Syràn, qu’elle a précipité elle-même son sort. Elle aurait pu rester parmi les siens, devenir une formatrice des nouveaulleux dessinateur.ices. Elle aurait pu devenir une mercenaire sans ne plus jamais faire appel à sa malédiction.
Il y a beaucoup de choses, qu’elle aurait pu être.
Mais ce n’est pas ce qu’elle voulait être.
Asmodem voulait être libre.
De sa malédiction.
De sa vie.
Elle a compris, qu’elle doit accepter ce que le monde lui impose.
Elle a compris, et ça lui fait mal, plus que ces flammes qui lui ont léché le corps et l’âme.
Asmodem a toujours été une combattante, ont ne lui a jamais appris à accepter, plier l’échine, rendre les armes.
Ca ne fait partie de qui elle est.
Mais qui est-elle?
Le suicide aurait dû être une autre sorte d’acceptation, prendre le contrôle sur cette existence qui ne faisait que lui échapper.
Que lui reste-t’il maintenant?
“You talk like a man.”
Ca lui arrache un rire, à la fin de ce que Rhaelikss voulait comme une insulte, probablement. Mais Asmodem ne prend pas la mouche, rit, de ce rire rauque, les poumons encore plein de fumée chaude qui aurait dû l'asphyxier.
Ca ne dure pas longtemps, car le corps est aussi fatigué que l’âme. Mais c’est là, chaud dans ses oreilles. Elle frotte un peu mieux son oreille contre Ikss, garde le silence longtemps après l’interrogation sur sa destinée. Elle est immobile, malgré la douleur dans sa nuque qui s’éveille pour rejoindre les autres sensations désagréables de son corps, fourmilière du mal. Le malentendu pourrait être fait facilement, qu’elle s’est endormie, si ce n’était pas pour la posture rigide qu’elle garde, la respiration longue et lente. Laborieuse.
“I don’t know”, parle-t-elle enfin, après que la viande de coureur commence à se dorer sous la bienveillance de Fimjir. “I can’t remember. And now, all I can picture is death.” Littéralement, un centipède court entre ses doigts, remonte son bras et s’enfonce dans la peau tendue de son cou, où il disparait. “Maybe you’re just a part of my imagination keeping me alive.” Il y avait cette légende, chez les dessinateurs, qu’iels existaient tous dans le rêve d’un papillon. Elle se redresse un peu, étire sa nuque douloureuse, son visage tourné tranquillement vers Rhaelikss. “You look like something I’d have created.”

@Rhaelikss