1224
Naissance d’une Luciole.
Dans cette existence tissée de nuances de vert et de brun, Lùcilorë a vu le jour sous les auspices d'une union bénie par la nature, un fusion sacré entre deux êtres d'un lignage irréprochable. De cette alliance parfaite est née une Magriel aux oreilles effilées et aux yeux dorés, reflet de la pureté de ses ancêtres. Enracinée dans les traditions séculaires de son clan, la petite Luciole grandit dans un monde où le pouvoir réside entre les mains des femmes, une société matriarcale où chaque geste, chaque parole était empreinte de la force féminine.
Entourée de ces femmes imposantes, elle a appris dès l'enfance que son genre portait en lui une puissance innée, une fierté indomptable. Les histoires et les enseignements des aînées se sont gravés en elle comme des runes sacrées, lui inculquant la conviction que sa destinée était tissée de force, de sagesse et de courage. À travers les rituels et les cérémonies, elle a absorbé les mystères de la terre, la magie des herbes et la puissance des étoiles, se forgeant ainsi une identité indissociable des valeurs de son clan. Dans cet univers où la tradition se confond avec la nature elle-même, Luciole a grandi en embrassant l'idée que sa féminité était une arme, une flamme éternelle destinée à briller dans l'obscurité.
Rapidement, la soif insatiable de curiosité de Luciole la poussait à déambuler à travers les forêts, ses petits pieds fougueux la guidant dans une quête perpétuelle de découvertes. Cette petite créature, si avide de connaissances, revenait souvent les mains pleines de grenouilles, d'araignées et de toutes sortes de petites bêtes qu'elle avait capturées, chacune représentant un nouvel ami à ses yeux. Ses consœurs, amusées par ses trouvailles, observaient cette fascination avec tendresse et humour. Cependant, par souci de sécurité, on lui ordonna de toujours emporter une torche lorsqu’elle s’aventurait dans les bois à la nuit tombée, afin que l’on puisse la retrouver si nécessaire.
Ainsi, chaque soir, elle parcourait les terres sombres, une flamme vacillante à la main, illuminant son chemin avec cette lueur dansante. C’est dans cette image qu’elle gagna son surnom de "Luciole", une petite lumière errante au cœur des ténèbres, identifiable de loin par ceux qui l’apercevaient, comme une étoile filante se frayant un chemin à travers l’obscurité de la forêt. Ce surnom devint rapidement une part d’elle-même, symbole de son esprit aventureux et de son âme lumineuse, prête à éclairer même les sentiers les plus sombres.
1244
Solitude imposée..
« Rien dans ce monde n’est parfait, j’ai besoin de voir au-delà de ce monde. »
Telle était la pensée qui hantait le cœur de la petite Luciole, tandis qu’elle grandissait dans les montagnes des Îles Lozia, un lieu empreint de beauté mais aussi de tragédies, dont le poids et le goût variaient selon les âmes qui les portaient. Malgré la solidarité et l’empathie qui régnaient parmi les Sauvages, un voile de mystère entourait le décès soudain de ses géniteurs, et on ne lui révéla que le strict nécessaire, épargnant son jeune esprit encore innocent des détails sombres de cette tragédie.
Luciole ne comprenait pas comment une mère si pleine de vie, avec une flamme si ardente, avait pu s’éteindre si soudainement, et encore moins comment deux êtres chers pouvaient disparaître presque simultanément, alors que les Magriels, habituellement, ne succombaient pas à une mort naturelle avant d’avoir atteint au moins deux-cents ans. Cette disparition inexplicable la laissa avec un vide béant, là où l’amour avait autrefois prospéré.
Bien qu'elle implora des réponses, ses supplications restèrent sans écho. Les anciens, malgré leur douceur et leur compassion, ne lui offrirent aucune explication concrète. Ce silence alimenta en elle un mal de vivre croissant, une douleur silencieuse qui se nourrissait de l’absence et de l’incompréhension. Jour après jour, le manque de réponses creusait en elle un désir toujours plus pressant de s’évader, de découvrir le monde au-delà des frontières de sa terre natale, à la recherche de vérités, ou peut-être simplement d’une paix intérieure qu’elle ne parvenait plus à trouver dans les montagnes.
La question se posait : voulait-elle réellement connaître la vérité? Peut-être pas. Peut-être que le mystère était plus supportable que la réalité. Mais ce qu’elle savait, c’était que le vide en elle ne pourrait être comblé que par un voyage, par une quête pour découvrir ce qui se trouvait au-delà de ce monde imparfait. Après tout, elle n’avait plus rien à perdre…
1266
Voyage et destin..
Des années durant, Luciole nourrit ce besoin d’évasion, ce désir ardent d’aventure qui l’incitait à scruter toujours plus loin, à repousser sans cesse l’idée de retourner au campement des Sauvageons. La douleur initiale causée par la perte de ses géniteurs s’était peu à peu estompée, adoucie par le soutien indéfectible des elfes de sa communauté, dont la sagesse ancestrale avait le pouvoir d’apaiser les cœurs les plus brisés. Lentement, la jeune Magriel franchit les barrières de la douleur, transformant ce chagrin en une force intérieure qui alimenta son ardeur à explorer toujours plus loin et à approfondir ses connaissances en herboristerie.
Au fil de ses errances, elle se fit des amis parmi les animaux des montagnes, des créatures sauvages qui, d’abord méfiantes, apprirent à reconnaître en elle une âme bienveillante. Luciole développa une patience infinie, s’appliquant à dissiper les doutes et les craintes de ces bêtes, les approchant avec une douceur et un respect rares. Progressivement, ces créatures se rapprochaient d’elle, trouvant en cette petite elfe une alliée, une compagne fidèle. Les liens qu’elle tissait avec elles étaient sincères et profonds, forgés dans une compréhension mutuelle et une confiance partagée.
En tissant ces amitiés précieuses, Luciole parvint à combler le vide laissé par l’absence de ses parents. Ces créatures devinrent bien plus que des compagnons de route; elles étaient les réceptacles de son affection, les gardiennes de ses secrets les plus intimes. Elle murmurait ses états d’âme aux reptiles, confiait ses aspirations aux amphibiens, et affinait son humour en conversant avec les insectes. À travers ces échanges, la jeune elfe découvrit un nouvel amour, plus simple mais tout aussi profond, qui parvint à remplacer la chaleur parentale manquante par une connexion authentique avec le monde vivant qui l’entourait.
Son cœur pur, son esprit débordant d’une soif insatiable de connaissance, elle développa patiemment ses compétences, s’entraînant avec détermination pour être prête à affronter le vaste monde le jour où elle quitterait enfin ce havre elfique.
Et ce jour arriva.
Sans un regard en arrière, sans même un adieu aux siens, la petite créature aux cheveux d’éther s’éclipsa discrètement, entamant la grande aventure dont elle avait tant rêvé. Le chemin qui l’attendait était jonché d’obstacles et peuplé de créatures plus sombres et redoutables les unes que les autres, mais Luciole savait qu’au fond de chaque âme tourmentée, résidait un besoin de compréhension sincère—le même qui parfois hantait ses nuits et perlait en gouttes de sueur sur son front au réveil. Forte de ce savoir, elle embrassa l’inconnu, certaine que même dans les ténèbres, elle trouverait des réponses et, peut-être, une paix intérieure inespérée.
Après tout, elle était cette luciole qui se frayait un chemin à travers l’obscurité.
1267
Au dehors des Îles.
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