(fb) sympathy is a knife

Le sourire d’Aldrich était placardé sur son visage comme un avis de recherche, flottant au passage des badauds, toujours prometteur d’une richesse qu’il ne possédait pas, ou du moins, pas personnellement, puisqu’un avis de recherche n’était, en somme, qu’un morceau de parchemin sur lequel on avait couché à l’encre le portrait plus ou moins ressemblant d’un forban, et le prix de la capture dudit forban. Parfois, Aldrich se demandait si sa tête, enfin, la tête de Rackam plus exactement, était mise à prix à Junfark. Et, si c’était le cas, dans la mesure où, jusqu’à présent, on le croyait certainement plus mort ou disparu qu’en cavale, combien pouvait-il coûter. En soi, à Dynacairn, Aldrich valait beaucoup, du fait de son rang, de ses entrepôts de soie, mais aussi de son rôle au Conseil qui consistait, si on le résumait grossièrement, à plonger dans des piscines de cristals d’étain reposant dans les tréfonds du château. C’est du moins ce que semblait croire des ruffians comme le Conseiller des armées, toujours à faire la manche, ou encore les jeunes écuyers qui ne comprenaient pas encore grand-chose (et ne le comprendraient certainement jamais) aux ficelles tirées derrière les portes de la salle du Conseil.

Aldrich souriait donc, poliment, se forçant à écouter les piaillements des quelques dames de la Cour auprès desquelles il tuait le temps, en attendant qu’Isabeau arrive. Il ne se souvenait plus du nom de la plus vieille des deux, - quelque chose comme dame Wiesel, peut-être ? - qui était également la plus bavarde, notamment au sujet de quelques soucis de santé, auxquels la seconde, dame Petrichor (avait-elle seulement un nom de famille?), répondait avec un ton sage et une parcimonie de mots qui faisait dresser les poils dans la nuque d’Aldrich. Il avait beaucoup de mal à supporter les humeurs mondaines de l’archiatre magrielle qui, à force d’être polie, en devenait extrêmement sotte.

De temps à autre, Aldrich tournait pensivement le nez, cherchant des yeux l’arrivée imminente de la princesse. Il avait songé à venir la chercher dans ses quartiers, mais avait craint qu’elle se sente pressée par sa présence. Aussi, il s’était arrangé pour croiser le chemin de l’une de ses suivantes, se hâtant en direction de la chambre de la princesse, pour lui faire passer un message, lui indiquant simplement qu’il l’attendrait à la réception, et qu’il avait hâte de l’y retrouver.

Contrairement à beaucoup d’hommes prônant haut et fort que ce genre de festivités les ennuyaient (et qui avaient tendance à s’en vanter comme s’il s’agissait d’autant de batailles remportées haut la main), Aldrich ne détestait pas les soirées mondaines. Il estimait qu’il était important d’entretenir les bons rapports avec la haute société laëris, et qu’il était réconfortant de voir que la famille impériale ne les prenait pas pour acquis. En réalité, il profitait de ces occasions pour étendre toujours un peu plus son réseau. Et, de surcroît, pour quelqu’un comme lui qui avait, en réalité, grandi dans la misère la plus noire, une telle abondance relevait du rêve éveillé. Il apparaissait ainsi comme un homme affable, qui ne gâchait jamais le contenu de son verre ou de son assiette, s’attelant au devoir de courtoisie avec diligence, comme s’il ne trouvait aucune fierté à se plaindre d’avoir à passer sa soirée à boire et à manger.

Il tâchait de comprendre, cependant, que les filles de l’empereur puissent s’y ennuyer, sachant qu’elles avaient connu ça depuis leur naissance, et pardonnait bien à Isabeau de se faire attendre, quand il ne devait pas aller la chercher directement à la bibliothèque, où elle avait l’air de passer ses soirées les plus mémorables.

La soirée était arrivée bien trop tôt au goût d'Isabeau. Si cela n'avait tenu qu'à elle, la princesse n'y aurait pas mis les pieds. Elle aurait envoyé un cadeau acceptable avec un mot parfaitement plat et impersonnel pour souhaiter un bon anniversaire. Elle se serait faite portée pâle, soudainement souffrante d'une grippe carabinée et extrêmement contagieuse. Elle aurait cent mille fois préférer passer sa soirée dans ses appartements, avec une tasse d'infusion et un livre. Elle avait d'ailleurs réussi à mettre la main sur une thèse récente sur l'influence de l'Empire sur le folklore de Bélés après l'annexion. Voilà qui promettait une soirée bien plus agréable que celle qui allait se dérouler. Même souffrir de la fameuse grippe carabinée aurait été une meilleure option pour elle.

En réalité ce n'était pas tant la perspective de passer une soirée mondaine qui révulsait l'héritière de l'Empire, mais bien plus le fait de qui elle allait y trouver. Et qui elle ne pourrait pas échapper, il s'agissait après tout de la vedette de la soirée. Quelques jours plus tôt, les mêmes circonstances n'auraient pas été si insupportables, mais quelques jours plus tôt Isabeau ne savait pas.

Elle avait caressé le fantasme de faire faux bond, de briller par son impériale absence et de fournir une excuse bancale comme seul justificatif. Mais la raison l'avait emporté, ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait se permettre. Ce serait aller contre la volonté de son père, insulter la famille Haveron. Rien de tout cela n'était souhaitable. Rien de tout cela ne serait se montrer digne de son rang. Et puis… Et puis tout ne s'annonçait pas si horrible que cela. Messire Aldrich Olin l'accompagnait après tout. La présence d'un ami adoucissait les choses les plus amères de la vie. Aldrich devait être un ami exceptionnel pour Isabeau Helemys.

Rien que d'y penser elle retenait mal un sourire niais. Elle s'en voulait de le faire attendre, une de ses suivantes l'avait croisé dans les couloirs pour lui faire comprendre qu'elle n'avait pas à se presser. La princesse remarquait bien ces petites attentions subtiles, et leur délicatesse détachée faisait qu'elle ne les chérissait qu'autant plus. Et elle culpabiliser d'autant de laisser le pauvre Aldrich seul. Surtout cette fois-ci, où son retard était entièrement sa faute et parfaitement conscientisé. Elle traînait des pieds pour se préparer. Isabeau ne pouvait cependant pas fuir plus longtemps les mains avides et expertes de ses suivantes désireuses de la rendre absolument splendide pour l'occasion.

C'est dans une robe qui avait été choisie à grand peine que la princesse héritière se présenta au Banquet d'anniversaire de Declan Haveron. Elle avait réussi à faire valoir son choix d'une roberobe dans les tons mauves et lilas, quelque chose de léger et de délicat mais qui ne diminuait en rien son rang et sa noblesse avec ses perles et diamants finement cousus dans le tissu. Elle adorait cette robe qui paraissait assez simple aux premiers abords mais brillait dès qu'on s'y attardait un peu.

Son nom fut annoncé pour marquer son arrivée et à partir de là Isabeau savait qu'elle n'avait que quelques instants pour trouver et saluer Aldrich avant de devoir présenter ses hommages aux hôtes. Heureusement pour elle, le conseiller ne fut pas dur à trouver. Elle vient le trouver avec un sourire sur le visage, pendant quelques instants ses soucis lui pesant moins lourds sur les épaules.

Si le sourire d'Aldrich était faux, celui que lui offrait Isabeau n'était que candeur et sincérité. Peut-être le regrtterait-elle un jour, mais pour l'heure de telles préoccupations sont bien loin de la princesse.

-Messire Olin, j'espère ne pas vous avoir fait trop attendre.

Son regard du cependant se tourner au bout d'un moment, bien trop bref à son goût vers les hôtes de la soirée.

-Je crains ne devoir vous faire patienter encore, je n'ai pas encore présenté mes voeux à la vedette de la soirée. Faire tarder les choses plus encore serait du plus mauvais goût.

Enfin… L'option de la carte de voeux était encore une possibilité, non ?

Le regard d’un bleu acéré du jeune héritier n’avait cessé de glisser sur son reflet dans le grand miroir soigneusement disposé dans un coin du bureau de ses somptueux appartements. Chaque pli de ses vêtements avait été repassé avec une minutie exquise, chaque détail ajusté sous l’œil critique de Declan, qui ordonnait aux tisserandes d'ajuster chaque morceau avec une précision implacable, ne tolérant rien de moins que la perfection. Pourtant, malgré cette attention maniaque à son apparence, son esprit était ailleurs, vagabondant loin de ses habitudes narcissiques. Un trouble inédit avait pris possession de lui, amplifiant ses exigences déjà tyranniques.

L’émissaire d’Orveil était en route, et son arrivée était imminente. Bien qu'une soirée en son honneur ait été organisée — une attention délicieuse qui flattait l’ego démesuré du jeune homme — la présence d'une personne de telle importance pour transmettre les nouvelles de son paternel ne lui apportait aucun plaisir. Declan était habitué aux sermons paternalistes et aux reproches demandant de tempérer ses ardeurs, mais ceux-ci lui étaient habituellement adressés par le biais de missives. Cette fois, c’était Calvin lui-même qui était envoyé à sa demeure, et les dieux seuls pouvaient mesurer l'agacement qui serrait la mâchoire de l'Haveron à cet instant.

Car de toute façon, les pauvres femmes agenouillées à ses pieds étaient trop occupées à peaufiner chaque détail de son apparence, ajustant ses vêtements avec une précision minutieuse, pour oser jeter un regard sincère à leur patron, ignorant la tempête qui grondait en lui.

Declan ajusta une dernière fois son col, fixant intensément son reflet comme pour y puiser une force nouvelle. Les pensées tourbillonnaient dans son esprit, un mélange d’appréhension et de défi. La venue de Calvin n’annonçait rien de bon; chaque visite de l'émissaire portait en elle la promesse de nouvelles contraintes, de nouvelles obligations qui entraveraient ses ambitions. Il serra les poings, dissimulant sa frustration derrière une façade de calme glacial et lorsqu’il jugeait sa perfection parfaitement orchestrée, il congédia les demoiselles d’un geste vague de la main.

Au même instant, l’émissaire d’Orveil fit son entrée, les grandes portes se refermant derrière lui avec une discrétion parfaitement maîtrisée. Un simple coup d'œil dans le miroir permit à Declan de confirmer l'arrivée tant attendue. Après avoir ajusté une dernière fois ses manches, il se retourna, accueillant l’homme avec un sourire carnassier dissimulé sous une apparence de joie finement calculée.

« Calvin, » déclara-t-il d’un ton exquisément protocolaire, teinté d’un amusement subtilement maîtrisé. « Quelle agréable surprise de vous voir ici en personne. »

La conversation s'étira, les mots se faufilant dans le silence feutré du bureau luxueux, chaque phrase un murmure enveloppé de mystère. Les domestiques, bien que tenus à l'écart des détails, observèrent le jeune héritier sortir de son sanctuaire avec une lueur triomphale dans les yeux. Ils notèrent son regard se poser sur une boîte finement ouvragée, une de celles qu'il réservait aux personnes les plus chères à son cœur ou à ses maîtresses.

Pourtant, le sourire félin qui ornait la commissure de ses lèvres laissait deviner l'importance particulière de cette boîte-ci, un secret précieux dissimulé sous une apparence de simplicité.

Son pas assuré le mena non pas vers les appartements où séjournait son obsession dorée, Orylea, mais vers les festivités en son honneur. Bien que d’ordinaire, Declan aurait été prompt à faire sentir sa présence à la belle marchande, cette fois, une impatience brûlante le poussait vers la célébration organisée pour son anniversaire. Le marbre sous ses pieds résonnait d’un claquement à la fois majestueux et impérieux, chaque écho amplifiant l’excitation fiévreuse qui bouillonnait en lui.

L’événement était une ode à sa grandeur, un hommage flamboyant à son ego démesuré. Pour Declan, ce genre de célébration n'était pas seulement une simple soirée, mais un défilé de son propre triomphe, une occasion d’exhiber sa stature et de savourer les louanges qui s’élèveraient en son honneur. Son visage, impassible en apparence, cachait mal la fierté et le désir de briller sous les projecteurs de la reconnaissance publique. Le menton hautement dressé et la boîte précieusement conservée dans la poche intérieure de son pourpoint, il se dirigea vers la salle où l’attendaient les convives. L’émissaire aux couleurs turquoises le suivait, son costume brodé témoignage discret mais éloquent de son allégeance au duché.

Alors qu'il avançait, chaque pas résonnait comme une déclaration de son importance, chaque murmure dans les couloirs semblait amplifier le tourbillon d’impatience et de vanité qui tourmentait son esprit. Declan, en proie à une exaltation narcissique, était prêt à embrasser l’éclat de cette soirée comme un roi régnant sur son propre royaume de gloire éphémère.

Lorsque les grandes portes furent ouvertes pour annoncer son arrivée, une lueur malicieuse illumina les yeux de Declan, tandis qu'un sourire fauve et calculé se dessinait sur ses lèvres. L’expression de surprise et de gratitude qu’il exhibait semblait soigneusement orchestrée, un parfait mélange de charme et de prétention. En pénétrant dans la salle, il évoluait avec la grâce d’un poisson dans l’eau, ou peut-être d’une pieuvre glissant dans les abysses, maître d’un ballet de mouvements calculés et fluides.

À chaque vœu, chaque compliment murmuré à son égard, Declan s'efforçait de paraître sincèrement enchanté, accueillant chaque mot avec une délectation feinte mais évidente. Du coin de l’œil, il prodiguait ses sourires éclatants comme des éclats de lumière dans l’obscurité, réservant son charme poli aux dames de la cour. Certaines recevaient des regards empreints de curiosité, tandis que d’autres étaient gratifiées de baisers-mains protocolaires, soigneusement teintés d’une touche de séduction.

Son avancée dans la salle était d’une aisance presque irritante, une démonstration ostentatoire de son aisance sociale et de sa maîtrise des conventions. Tandis que nombreux étaient ceux qui murmuraient leur dédain pour ce genre de festivités, Declan, lui, s’en délectait avec une passion presque vorace, savourant chaque instant de cette scène qui lui était entièrement dédiée. Pour lui, chaque accolade, chaque compliment était une confirmation éclatante de sa propre grandeur, un miroir reflétant le triomphe de son narcissisme.

L’attention du jeune héritier se détourna de la conversation dans laquelle il était engagé pour se porter sur les invités encore non salués. Un sourire carnassier naquit sur ses lèvres lorsqu'il aperçut Aldrich, avant de glisser vers la jolie demoiselle se tenant à ses côtés. Declan les observa un instant, son regard perçant s'attardant sur ces deux figures qui venaient soudainement de capter son intérêt. Avec une démarche à la fois assurée et empreinte de noblesse, il s'approcha d'eux, laissant transparaître dans chacun de ses gestes une maîtrise parfaite de la séduction et de la curiosité.

« Conseiller Olin, quel plaisir pour moi de voir que vos occupations ne vous ont pas tenu à l’écart de cette soirée. Dites-moi, est-ce mon anniversaire qui rend grâce à votre visage en y accueillant l’éclat de votre sourire, ou bien…» Declan s’inclina avec une élégance exquise, déployant un mouvement fluide et raffiné dans une révérence parfaitement maîtrisée. Ses doigts, habiles et assurés, se posèrent délicatement sur la main gracieuse de la demoiselle à ses côtés. Avec une douceur presque audacieuse, il la rapprocha de ses lèvres pour y déposer un baise-main empreint de courtoisie.

Quant à son regard glacé, il reposait sur le visage si délicat d’Isabeau, et il prit soin de laisser une pause entre ses deux phrases dans le but de détailler chaque centimètre de sa perfection. Elle pouvait sans aucun mal sentir tout le poids de son analyse, tout le poids de son attention, et le Conseiller était, lui aussi, spectateur de cette fascinante courbette. « Serait-ce plutôt l’éclat à votre côté, qui vous rend aussi charmant? Je dois dire, il est rare de voir une beauté telle que la vôtre, Votre Altesse, s’unir à une tenue d’une telle distinction. Vous êtes la quintessence du raffinement, et votre présence est le clou d’une soirée qui, sans vous, serait seulement remarquable. »  

Son échine se redressa avec une grâce mesurée alors qu’un serveur approchait pour offrir des rafraîchissements au trio. D'un geste fluide et parfaitement contrôlé, Declan se détourna un instant pour saisir deux flûtes, en amenant une vers lui avec une aisance déconcertante, tandis qu’il tenait l'autre du bout des doigts, sans la tendre à quiconque. Si son sourire charmeur était dévoué à Isabeau et son amusement dirigé vers Aldrich, la coupe qu'il conservait avec une dévotion particulière était exclusivement réservée à son obsession aux cheveux d’or qui devrait arriver d’un instant à l’autre.

---

@Aldrich Olin @Isabeau Helemys @Declan Haveron
outfit coiffure

Orylea savait soigner une entrée. Et pour ses premiers pas au sein de la haute société d'Orcylin, elle n'avait pas ménager ses efforts. Il fallait avoir juste ce qu'il faut de retard pour ne pas être impolie, mais pour être l'objet de tous les regards. Alors elle n'avait négligé aucun détail de sa toilette.
Alors que la fête commençait à battre son plein pour l'anniversaire de Declan, elle finissait de se préparer avec l'aide d'une des dames de chambre dans ses appartements au sein du manoir de Declan, le jeune héritier du duché Haveron qui réservait à sa maîtresse la suite conjugale jusqu'à ce que celle-ci ne trouve de plus légitime hôtesse. Orylea n'était pas arrivée depuis bien longtemps à Dynacairn, et elle découvrait encore ce que c'était que d'avoir un personnel à son service. Le luxe auquel elle n'était pas encore habituée ne lui déplaisait pas, mais elle tenait à traiter les employés avec égard et sympathie - comme elle aurait aimé qu'on la traite à leur place, elle qui y aurait été destinée dans une autre vie. Sansara s'appliquait ainsi à tresser ses longs cheveux doré en un chignon complexe qui dévoilait son cou, son décolleté et son dos nu, tandis qu'elle se parait d'un collier et de quelques bagues. Elle avait fait spécialement commandé sa robe auprès de Caesar, un de ses partenaires commerciaux localisé à Junfark, pour plaire au héros de la soirée : une longue robe en tulle turquoise aux manches longues qui dévoilaient ses épaules et au corset minutieusement orné de fil d'or. Est-ce que cela allait faire scandale qu'une banale maîtresse s'affiche avec les couleurs officielles de la maison de son amant ? Certainement. Mais Orylea espérait justement faire jaser dès sa première impression. Elle n'avait rien de banal ; à commencer par sa relation avec Declan auquel elle s'amusait à se refuser depuis quelques temps pour s'assurer l'attirance toujours présente du petit duc.
Mademoiselle est prête, lui dit finalement Sansara en reposant les mains sur ses épaules. Orylea lui sourit dans le miroir et saisit une de ses mains et la caressa pour la remercier. Elle se leva et se dirigea vers ses coffres qui n'était pas complètement défaits. C'est que sur l'insistance de Declan, elle avait amené ses plus importants effets personnels ici plutôt que de les laisser dans la petite maison qu'elle s'était acheté au cœur de la ville, bien plus loin du palais. Elle se saisit d'une bourse et en tira une pièce d'argent qu'elle remit à la femme de chambre avant de la congédier. Orylea s'observa une dernière fois dans le miroir, sa silhouette svelte, son port de cou altier, sa chevelure dorée ramenée à l'arrière de sa tête - un sourire satisfait aux lèvres. Ils allaient apprendre à connaître son nom.

Cela devait bien faire une demi-heure qu'aucun autre invité n'avait été annoncé quand elle franchit enfin les grandes portes de la salle de bal du manoir Haveron. Dame Orylea Celtigar, proclama le valet, sa voix interrompant celles des convives à leur plus grand étonnement. Elle croisait sans crainte les regards inquisiteurs qui la toisait, elle, cette inconnue parmi l'aristocratie et les plus émérites du Royaume. Elle n'avait que faire de leur titre, de leur fortune et de leurs alliances. Ils étaient tous nés avec. Quel était leur mérite ? Elle, elle s'était forgée seule, en dépit des embûches que la vie avait placé sur son chemin. Et ces embûches, c'était justement eux. Ces misérables nobliaux qui se jouaient de la population sans même une arrière pensée quant aux conséquences de leurs actions. Orylea comptait bien le leur faire payer. Mais pour cela, il fallait d'abord qu'elle parvienne à les infiltrer. Ce soir, ce serait chose faite grâce à Declan qui allait officiellement la présenter ; son petit duc qui ne se doutait pas un seul instant qu'il n'était guère plus qu'un simple pion dans l'ensemble de son plan. Alors elle consolida son mépris derrière un sourire de convenance et avança dans la pièce, de sa haute stature.
Elle se retenait de s'émerveiller face au faste de la réception. Les tenues des uns, les coiffes des autres, les sculptures par ci, les tableaux par là. Partout, des serviteurs se faufilaient, plateaux en main, pour distribuer champagne et amuses-bouche aux invités. Elle s'efforçait de garder un visage fermé, entretenant ainsi le mystère autour de sa personne.
Balayant du regard la salle de réception, elle finit par apercevoir Declan, en pleine discussion avec deux autres personnes : un homme brun dans la quarantaine au teint halé habillé sobrement, et une demoiselle légèrement plus jeune qu'elle vêtue d'une délicate robe lilas qui, elle le vit en s'approchant était ornée d'une pluie de perle qui la faisait rayonner à la lumière des chandelles. Elle ignorait totalement qui ils étaient. Arrivant à leur niveau, son sourire dévoila ses dents. Madame, Monsieur, dit-elle en s'inclinant légèrement. Elle s'approcha dangereusement de Declan avant de se contenter de se saisir de la flûte de champagne dans laquelle il venait de tremper ses lèvres. Oh, elle avait parfaitement remarqué qu'il en avait une autre en main très certainement destinée à son attention. Mais Orylea savait comment et appréciait éveiller ses émois pour le simple plaisir de le voir supplier pour plus. Monsieur Haveron, ferez-vous les présentations ou allez-vous forcer vos hôtes à se décliner eux-mêmes ? Elle se retourna vers ceux qu'elle imaginait être un couple - sûrement très important pour que Declan reste aussi longtemps avec eux. Comme si le valet ne l'avait pas annoncée, elle répéta : Je suis Dame Celtigar, mais vous pouvez m'appeler Orylea. Elle insista sur son nom de famille, qui faisait dangereusement tâche avec sa proximité notable avec l'héritier que l'on célébrait ce soir. Affichait une fausse modestie empruntée à ceux qui l'entouraient et qui trahissait autant son ignorance que son indifférence quant à ceux à qui elle s'adressait.

Isabeau arriva enfin. "Messire Olin, j'espère ne pas vous avoir fait trop attendre." Aldrich se tourna vers elle, plissant davantage les yeux au-dessus de son sourire afin de manifester son enthousiasme et aussi son soulagement : "Altesse, il exécuta une révérence, ravi de vous compter parmi nous ce soir, vous êtes resplendissante répliqua-t-il simplement, afin de l’assurer qu’elle était tout à fait en droit de faire attendre qui elle voulait le temps qu’elle souhaitait. Isabeau, pleine de bons sentiments, continuait néanmoins de s’excuser. "Je crains ne devoir vous faire patienter encore, je n'ai pas encore présenté mes voeux à la vedette de la soirée. Faire tarder les choses plus encore serait du plus mauvais goût." Aldrich lui présenta son bras, les éloignant de quelques mètres des deux mégères qui s’étaient brièvement interrompu pour saluer son Altesse avant de reprendre leur conversation de plus bel. "Son Altesse a déjà bien des choses dont elle doit se préoccuper pour avoir à se soucier de ce qui est de mauvais goût, remarqua-t-il, la voix pensive. Puis, se penchant légèrement vers elle, sur le ton de la confidence : Et puis, vous êtes la princesse héritière : regardez, si vous avez encore des vœux à présenter, ce sont eux qui viennent à vous."

Declan Haveron arrivait en effet sur eux, d’une démarche assurée qui lui faisait avaler les mètres qui les séparaient avec autant d’aisance que si la salle de réception n’était pas bondée.
"Conseiller Olin, quel plaisir pour moi de voir que vos occupations ne vous ont pas tenu à l’écart de cette soirée. Aldrich ploya poliment du chef : - Messire Haveron, il n’était pas conseiller, après tout. Une fois encore, permettez-moi de vous souhaiter un chaleureux anniversaire, comme il l’avait fait plus tôt dans la journée, soucieux de l’importance des jours de naissance dans la culture laëris. Si Aldrich était supposément né quelques mois plus tôt, Rackam, lui, avait depuis longtemps oublié la date de son anniversaire, bien qu’il la partageât avec sa jumelle. - Dites-moi, est-ce mon anniversaire qui rend grâce à votre visage en y accueillant l’éclat de votre sourire, ou bien… Aldrich fronça le nez pour manifester son amusement, tandis que le jeune héritier n’avait déjà d’yeux que pour Isabeau.
Après tout, Declan Haveron était considéré, par toutes, à la Cour, comme un jeune homme bien fait, sans qu’on sût jamais s’il l’était en beauté ou en richesse. Et, Isabeau présentant des traits doux et un teint de porcelaine, avec tant de grâce que c’en était devenu progressivement une mode chez les jeunes femmes de la Cour qui fuyait de plus en plus le soleil, il semblait logique que le premier se réjouisse de la présence de la seconde.

"Serait-ce plutôt l’éclat à votre côté, qui vous rend aussi charmant? Je dois dire, il est rare de voir une beauté telle que la vôtre, Votre Altesse, s’unir à une tenue d’une telle distinction. Vous êtes la quintessence du raffinement, et votre présence est le clou d’une soirée qui, sans vous, serait seulement remarquable."
Aldrich imita son geste, récupérant lui aussi deux coupes, en en proposant une à Isabeau.
Il comprit ensuite pourquoi Declan en avait pris deux, lorsqu’une jeune femme, blonde et vêtue de bleu, s’arrêta à côté du jeune homme. "Madame, Monsieur. Monsieur Haveron, ferez-vous les présentations ou allez-vous forcer vos hôtes à se décliner eux-mêmes ? Je suis Dame Celtigar, mais vous pouvez m'appeler Orylea."
Aldrich dissimula son étonnement : il était surprenant que Dame Celtigar ne sache pas qu’elle était en présence de la princesse héritière. Il se demanda si elle était magrielle. Il réfléchit, ayant le sentiment que son nom de famille lui évoquait quelque chose, datant de ses marchés à Orveil.

"Loin de moi l’idée d’être forcé à faire quoi que ce soit, Ma Dame. Je suis Aldrich Olin, et voici son Altesse, la princesse Isabeau Helemys." Chemin faisant, il se rappela avoir lu quelques accords commerciaux estampillés du nom Celtigar, et la jeune courtisane éveilla l’intérêt d’Aldrich.

Comme toujours Aldrich était l'incarnation de la patience et de la bienveillance avec Isabeau. La poussant doucement à ne pas s'inquiéter autant du regard des autres. Si des mots avaient suffit à cela… Cela ne l'empêcha pas d'offrir un sourire reconnaissant au Conseiller alors qu'elle prenait son bras. Avec lui à ses côtés elle se sentait un peu plus forte.

Il n'y eut effectivement pas à se déplacer ou même à attendre beaucoup avant que le centre de la fête ne se présente à eux. Fier et apprêté comme un paon, fidèle à lui-même en somme.

Isabeau retient à grand peine un frisson en sentant le regard glacé de l'héritier Haveron la parcourir. Si sa main qui tenait la sienne pour y déposer un baisemain lui laissait l'impression d'être brulée par une lame chauffée à blanc. La brûlure qui se répandait dans le reste de son corps était celle du blizzard impitoyable. La princesse avait l'impression que le futur Duc était en train de l'examiner comme un morceau de viande au marché tout en la déshabillant méticuleusement.

Son Erika intérieure lui soufflait de planter son poing en plein dans son nez absolument parfait et de déclarer que le gnon royal était son présent d'anniversaire avant de quitter les lieux la tête haute et en tournant magistralement des talons. Mais c'était une toute petite part de son esprit, et tout le reste lui hurlait d'endurer la chose, de se montrer digne de son rang et de ne pas faire de vagues.

Les mots mielleux qui glissèrent ensuite de la bouche du futur Duc lui firent l'impression d'un piège à glue mêlé de miel. Poisseux, sucré et indéniablement fatal pour la pauvre âme qui s'y laisserait prendre. Des flashs de ses leçons d'enfance à réciter fables et poèmes lui revienrent en tête. Aprenez que tout flatteur vit aux dépends de celui qui l'écoute. Elle n'aurait pourtant pas imaginé Declan en renard. Quoique… Non, l'animal manquait de noblesse pour ça.

Instinctivement son bras se serra un peu plus autour de celui d'Aldrich, comme pour s'appuyer un peu plus sur présence ou bien dans un geste contenu de se cacher derrière lui, alors que son visage gardait une expression souriante. Ne pas faire de vagues. Ne pas montrer ouvertement ses faiblesses. Isabeau avait l'impression de n'avoir que ça.

-Vous me flattez, Messire Haveron. Mais en ce jour c'est vous qui devriez recevoir et non distribuer de telles louanges.

Elle n'ajouta pas "que vous les méritiez ou non", mais elle le pensa très très fort. Tout comme le fait que sa flagornerie en faisait vraiment beaucoup trop et manquait cruellement de finesse. Quitte à se faire manipuler, autant que ce soit bien.

-C'est en tous cas avec plaisir que je vous présente mes meilleurs voeux pour votre anniversaire. Puisse l'année venant vous être prospère et clémente comme le jour de votre naissance l'a été.

Isabeau avait bien remarqué la tension entre les deux hommes ainsi que les piques acérées cachées sous du velour qu'ils échangeait. Il lui semblait que l'air s'épaississait de manière palpable entre le Conseiller et l'Assistant à mesure que les secondes passaient. Peut-être le champagne aiderait-il à adoucir les moeurs ? La princesse héritière n'aurait pas parié dessus. Elle accueillit cependant la coupe que lui tendit Aldritch avec un sourire et un merci sincères.

La brève salvation vient d'une autre chose aux reflet dorés. Une jeune femme à la chevelur d'or absolument sublime. Isabeau ne se rappelait pas l'avoir déjà vu à la Cour, la jeune femme était franchement inoubliable. Et elle se déplaçait avec une assurance et une grace tranquille, si la princesse n'était pas certaine de l'identité de la Duchesse, elle aurait cru qu'il s'agissait de la maîtresse des lieux en personne. D'autant plus qu'elle portrait fièrement les couleurs de la maison Haveron.

Mais à la manière dont les corps de Declan et Orylea se frolêrent, la manière savamment désinvolte qu'elle eut en prenant la flute de champagne de leur hôte pour y poser les lèvres exactement là où les siennes s'étaient trouvées quelques secondes auparavant. Il n'y avait pas grand doute dans l'esprit d'Isabeau quant à la nature de leur relation, elle était on ne peut plus explicite. Il s'agissait d'une des maîtresses de Declan, et une qu'il appréciait particulièrement si elle en croyait la manière dont il la regardait et l'assurance de cette dernière.

Un sentiment étrange vient se lover dans le ventre de la princesse. Elle ne parvenait pas à l'identifier, il devait s'agir de la brûlure anticipée de l'humiliation. Pour le moment elle n'était pas cuisante, mais elle le serait bien assez tôt. Encore une fois elle serra un peu plus le bras d'Aldrich qui faisait les présentation, soit-il béni de lui offrir quelques secondes de répit pour qu'elle s'assure que sa voix reste posée et constante.

-C'est un plaisir de vous rencontrez, Orylea.

Elle sourait à la blonde, tout en tachant bien soigneusement de ne pas regarder dans la direction générale de Declan. Ce qui vu la proximité des deux s'avérait assez compliqué.

-Il ne me semble pas vous avoir déjà croisée à la Cour, si votre arrivée est récente j'espère que vous vous y plaisez et que vous recevez un accueil chaleureux.

Elle ne doutait pas du dernier point, en tous cas aussi chaleureux que pouvait se montrer le fils Haveron. Et si elle en croyait les rumeurs, il fallait plutôt s'inquiéter des chaleurs que des frimas avec lui.

Ses doigts retenaient les deux flûtes avec une élégance naturelle, alliant délicatesse et fermeté, tandis que son regard bleu, d’une clarté presque éthérée, glissait sans cesse en direction de la princesse, si gracieusement vêtue pour lui. Il le savait, il en était certain : toutes ces personnes raffinées avaient consacré un temps précieux à se parer de leurs plus beaux atours, uniquement pour lui rendre hommage. Une vérité qui flattait sans réserve la prétention du jeune héritier. Chaque robe somptueuse, chaque bijou scintillant était un témoignage silencieux de respect, un hommage subtil à sa grandeur, qu'il se plaisait à recevoir avec une gratitude mesurée, remerciant une dizaine de ces femmes pour cette attention qu'il considérait comme son dû.

Seul Aldrich échappait à cette harmonie orchestrée en son honneur. Ce conseiller économique, au talent indéniable mais à l'irritante propension à se trouver là où il ne fallait pas, était une épine dans le pied de l'héritier Haveron. Que ce soit à son siège du conseil ou bien au bras d'Isabeau, la simple présence d'Aldrich suffisait à ternir l'éclat de ces soirées. Pourtant, en maître incontesté de ses émotions, Declan camouflait son déplaisir sous un sourire charmant, ses fossettes creusant son visage dans une expression de parfaite cordialité.

- Messire Haveron, une fois encore, permettez-moi de vous souhaiter un chaleureux anniversaire, Ces mots prononcés par le Conseiller résonnèrent à peine aux oreilles de Declan, qui se contenta d'incliner la tête en guise de remerciement. Son geste, pourtant poli, n'était que mécanique, car son esprit et son regard étaient entièrement captifs de la princesse.

Il l'observait avec une intensité presque prédatrice, tel un fauve guettant sa proie, chaque détail de sa silhouette, chaque mouvement, scruté avec une précision calculée. Les paroles d’Aldrich se dissipaient dans l’air comme une brume sans consistance, car pour l’héritier, seul importait l’envoûtant spectacle offert par celle qui, à ses yeux, se distinguait parmi toutes les autres.

-Vous me flattez, Messire Haveron. Mais en ce jour c'est vous qui devriez recevoir et non distribuer de telles louanges. C'est en tous cas avec plaisir que je vous présente mes meilleurs voeux pour votre anniversaire. Puisse l'année venant vous être prospère et clémente comme le jour de votre naissance l'a été. Le sourire de Declan s’étira un peu plus aux mots délicats qu’Isabeau lui avait présentés, à la fois charmant et charmé, et il inclina profondément la tête en sa direction pour la remercier. « Oh, mais j’y compte bien, votre Altesse. » Il eut un énième sourire félin, agrémenté par l’acier de son regard plissé sous la suffisance.

Lorsqu’on annonça l’arrivée d’Orylea, la princesse put enfin ressentir le poids du regard de Declan s’évanouir de sa personne, libérant son souffle comme une brise après une tempête. Le jeune héritier tourna son attention vers la nouvelle venue, son menton se relevant légèrement et le bleu de ses yeux se teintant d’une lueur rare. Orylea, parée de ses couleurs, apparut devant lui comme une vision enchanteresse, faisant naître des étoiles dans son regard d'ordinaire impassible. Il fut instantanément captivé par les mouvements gracieux de sa maîtresse, chaque geste, chaque sourire, capturant son attention avec une puissance hypnotique.

Il l’observait avec une intensité brûlante, comme s’il la déshabillait du regard devant toute l’assemblée, un désir palpable traversant l’espace. Pourtant, ce n’était pas seulement la sensualité d’Orylea qui fascinait Declan, mais aussi son habileté à captiver l’audience, à détourner l’attention des convives pour la diriger vers elle. Cette maîtrise du spectacle, si proche de la sienne, éveillait en lui une admiration teintée d’une jalousie sourde. Car dans cette salle, devant ces nobles et ces conseillers, il était le centre, l’astre autour duquel tout devait graviter. Et le fait qu’Orylea puisse, ne serait-ce qu’un instant, lui voler cette place… Cela éveillait en lui un trouble profond.

Son regard la suivit avec une intensité presque palpable alors qu’Orylea faisait son entrée, écartant la foule d’un éclat mystérieux, telle une étoile filante illuminant la nuit. Les invités, déférents ou peut-être simplement prudents de ne pas froisser l’égo de l’héritier dont elle arborait fièrement les couleurs, lui ouvraient le passage avec un respect mesuré. Chaque pas d’Orylea était une danse entre la sophistication et la sensualité.

Lorsque son amante se rapprocha, son visage s’inclina délicatement vers elle, un sourire suffisant effleurant ses lèvres. Le murmure caressant qu’il lui adressa, « Vous êtes délicieuse » fut comme une caresse audacieuse sur son oreille, un souffle chaud qui s’était enflammé par sa personne. Le geste furtif d’Orylea, subtilisant sa coupe, fut une provocation si bien orchestrée qu’il éveilla une étincelle de feu dans ses veines. Declan la regarda poser ses lèvres sur l’endroit même où les siennes avaient reposé, son regard aussi brûlant que les mots qu’il aurait voulu prononcer. Si les regards pouvaient parler, ce serait un torrent de désirs inavoués qui aurait jailli.

À l'instant où le sortilège fut brisé par un battement de cils, Declan détourna son attention vers le duo en face de lui, son esprit ramené brusquement à la réalité. Sa main, désormais libre, glissa avec une aisance délibérée sur le bas du dos d’Orylea, une caresse délicieuse qui effleura le haut de son fessier du bout des doigts. C’était un geste empreint de possessivité, un subtil mélange de passion contenue et de désir à peine dissimulé, le tout dans le cadre raffiné d’une soirée qui se transformait peu à peu en un jeu de charme et de pouvoir.

Une fois encore, Aldrich eut le tour et la manière de déplaire à l’Haveron. S’il devait commencer à compter chacun de ses faux pas envers lui, sa tête aurait été mise à prix il y a un temps, déjà. Mais, en parfait maîtrise de sa personne, il le laissa faire, au risque de paraître froissé, et il prit une nouvelle gorgée de champagne en les laissant se présenter d’eux-mêmes.

- Il ne me semble pas vous avoir déjà croisée à la Cour, si votre arrivée est récente j'espère que vous vous y plaisez et que vous recevez un accueil chaleureux. avait-elle dit, alors que le regard perçant de l’Haveron se tournant à nouveau vers la princesse, capturant son attention avec une intensité redoublée.

« Vous faites preuve d’une bienveillance remarquable, votre Altesse, et je suis persuadé que Dame Celtigar vous en saura grandement gré. De plus, dans ce même esprit, je suis convaincu qu'il y a une manière d’agrémenter encore davantage cet accueil chaleureux, une attention qui saurait non seulement ravir Dame Celtigar, mais également me faire plaisir. »

Sa voix, douce mais chargée d'une détermination sous-jacente, dégageait un charme calculé, soigneusement mesuré pour attirer l'attention. Le regard de Declan, mêlé de désir et d'attente, se fixait sur la princesse, laissant flotter une promesse subtile de découvertes à venir.

« Conseiller Olin, pourriez-vous dévoiler à Dame Celtigar les talents économiques dont vous faites si grandement étalage au sein de l'empire ? En tant que personne engagée dans le commerce, je suis convaincu qu'elle apprécierait grandement les conseils de votre précieuse expertise. »

Son sourire, large et éblouissant, demeurait étiré, empreint de cette satisfaction particulière que lui offrait le moment. Avant même que la réponse n’ait le temps de se manifester, et bien qu’il vînt de vanter des talents qu’il ne reconnaissait pas, Declan jugeait avoir suffisamment fait pour Aldrich. Un peu trop, même. D’un geste élégant, il détourna sa main, précédemment posée près du dos d’Orylea, et l’étendit vers Isabeau avec une grâce naturelle.

« Quant à vous, votre Altesse, permettez-moi de vous présenter une personne que vous ne manquerez pas d’apprécier, » dit-il d’une voix empreinte de charme, tout en tendant son bras vers Isabeau avec une élégance raffinée. Il le lui offrit avec un sourire enjôleur, l'invitant à remplacer le bras du Conseiller Aldrich sur lequel elle était posée, et à se diriger avec lui vers Calvin, l’émissaire de Rivemer qui se tenait un peu plus loin dans le troupeau que représentaient les invités.

---