Évasion Aristocratique

En cette douce matinée, l’Haveron se trouvait d’une humeur exquise. C’était du moins ce que son reflet dans le miroir semblait indiquer, alors qu’il attachait avec une minutie élégante les boutons de sa somptueuse chemise d’un vert sulfate, brodée de délicates arabesques en or étincelant. Il se tenait là, dans la lumière tamisée de la chambre conjugale, prenant le temps de contempler son image, chaque mouvement empreint d’une grâce calculée.

Pendant un long moment, il observait son reflet de cet air vaniteux, ajustant avec soin les derniers détails de son habillement. Il veillait à chaque pli de son vêtement, à chaque nuance de sa présentation. Ses cheveux courts et soigneusement coiffés, disciplinés par des mouvements précis de ses doigts, encadraient son visage avec une élégance sobre. À le voir ainsi, on aurait pu croire qu’il se préparait pour un couronnement, tant l’attention qu’il portait à sa toilette était minutieuse et soignée. Chaque jour était pour lui, un jour de couronnement, en vérité…

L'air autour de lui semblait vibrer de cette anticipation silencieuse, comme si chaque fibre de son être était en harmonie avec les ambitions et les aspirations qui le définissaient. Declan savourait ce moment de préparation, sachant que chaque détail, chaque reflet de son apparence, contribuait à façonner l'image de l'héritier suprême qu'il s'efforçait d'incarner.

Du coin de l’œil, son attention se détacha de son propre reflet pour se poser sur une boîte finement ouvragée, délicatement posée sur une commode en chêne. Les pierres précieuses incrustées dans le bois scintillaient sous la lumière matinale, capturant l'œil du jeune homme avec une satisfaction palpable. Chaque gemme jouait avec les rayons du soleil, créant un jeu subtil de reflets dans la pièce richement décorée. Declan s'en approcha pour prendre la sublime boîte entre ses mains, caressant du bout des doigts les gravures délicates avec un air de contentement.

« Alfred! » Sa voix résonnait avec autorité et faisait écho dans la pièce, alors qu'il déposait soigneusement la petite boîte dans un sac en velours bleuté, ses ficelles d'or tombant gracieusement de chaque côté. « Monseigneur… Tout est prêt. Hier soir, la lettre que vous aviez demandée a été remise, les chevaux sont prêts et l'installation sera parfaitement arrangée à votre arrivée », rapporta Alfred d'un ton respectueux, ses yeux exprimant une fidélité sincère.

Un hochement sec de la tête, un dernier ajustement de sa tenue immaculée, et Declan savait qu'il était prêt. La lueur d'anticipation dans ses yeux sombres trahissait une détermination sans faille, tandis qu'il repassait mentalement les détails de ses plans pour la journée à venir.

…

Hier soir, au crépuscule tendre,
Une servante, une missive, et un bouquet,
Pervenches et iris, tissés de douceur,
De sagesse, d'espoir, liés d'un fil d'or.

La jeune femme, parée des couleurs turquoises distinctives de la maison d'Haveron, déambulait avec une grâce étudiée, une élégance requise par ses maîtres. Elle avait écouté attentivement les instructions données, gardant un sourire face aux douces effluves émanant du bouquet qu'elle devait livrer. Ses doigts osèrent effleurer la délicatesse des pétales, sans jamais questionner ni soulever l'incertitude quant à la raison de ce présent d'une grande ... surprise.

Non, elle avait bien été dressée, la servante.

Ses pas feutrés la menèrent aux appartements de la future duchesse d’Airedale, où elle toqua trois fois avant d'attendre poliment qu'on vienne lui ouvrir. Une fois la porte ouverte, elle tendit gracieusement le bouquet, qui passa des bras de la servante à ceux offerts. La lettre, scellée d'un cachet de cire bleu turquin aux armoiries de la noble maison de l'expéditeur, fut également remise avant que la servante ne se retourne sans attendre de réponse. Qu'il s'agisse d'acceptation ou de refus, les ordres étaient clairs.

Perle d’Airedale,

Vos occupations trouveront une brèche volontaire pour la journée de demain, car vous la passerez au dehors de vos obligations. Dites-moi, chère amie, quand avez-vous goûté pour la dernière fois à un imprévu?

Votre monture sera parée, et je serai là pour vous accueillir en matinée.

Avec respect,

…

Était-ce une mutinerie, une malice quelconque, qui avait poussé le jeune héritier à envoyer une lettre aussi divertissante, à son avis ? Il se garda bien de tout commentaire à ce sujet, préférant savourer en silence l’amusement que cela lui procurait. Alors qu’il quittait les murs du château, son allure noble et assurée ne laissait entrevoir aucun de ses sentiments intérieurs. Le port droit, le menton haut, il s’avançait avec une grâce naturelle en direction des écuries.

Chaque pas résonnait fermement sur le pavé, témoignant d’une discipline rigoureuse acquise au fil des années. Ses vêtements somptueusement décorés captivaient la lumière du matin, ajoutant à sa prestance une aura de majesté et de mystère. Arrivé aux écuries, il salua brièvement le palefrenier d’un signe de tête avant de se diriger vers sa monture favorite, un splendide étalon blanc dont le regard perçant s’harmonisait à merveille avec le sien.

L’héritier prit un moment pour caresser l’encolure de l’animal, murmurant quelques mots doux qui semblaient renforcer le lien entre eux. Puis, il s’approcha de la seconde monture qui avait été préparée avec soin. Prenant les rênes des deux chevaux, il les guida hors de l’écurie, veillant à ce que son amie n’ait pas à endurer les effluves nauséabondes de l’intérieur, à son arrivée.

Ses pensées dérivaient vers la lettre envoyée, se demandant quelle réaction elle avait pu provoquer chez son destinataire. Mais pour l’instant, le plaisir de l’anticipation suffisait à maintenir un sourire subtil sur ses lèvres, tandis qu’il préparait soigneusement chaque détail de cette rencontre. D’une main délicate, il défit l’une des sacoches de la monture d’Arabella, y glissant le petit sac en velours avant de refermer l’attache avec soin. Ensuite, il vint croiser les bras contre son buste, observant droit devant lui, à la fois armé de patience et d’un sourire mutin qui lui serrait le coin des lèvres.

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