I like this crown, mom (Miriel)

Elles avaient été confinées, évidemment. Saleté de bras de la rédemption. Erika bouillait d’impatience et de rage de devoir se tenir tranquille dans ce fichu château. Elle ne s’était pas encore décidée, la princesse, si elle allait respecter les consignes ou non. Après tout, pourquoi faire ? A quoi cela servait, d’être en sécurité ? Ils étaient visiblement partout. Peut-être qu’ils étaient même dans le château ! La princesse tournait rageusement dans le château en faisant les cent pas sans savoir où ceux-ci la mèneraient.

Elle voulait sortir.

Mais les gardes étaient bien plus vigilants. Avaient-ils reçu des ordres de son oncle et puis de son père ? A chaque fois qu’elle approchait d’une sortie, elle se faisait repousser. Et si elle voulait aller dans les jardins, elle devait être accompagnée. Erika détestait ça, se sentait comme en prison. Elle n’avait toujours pas d’autre précepteur et tant mieux car il est fort probable qu’elle ne se serait même pas montrée en cours.

Vêtue d’une robe couleur pourpre, elle avançait sans but dans les couloirs. Elle ne pouvait même pas compter sur Corvo qui était évidemment occupé. Elle savait, pourtant, que c’était dangereux dehors, qu’elle risquait d’y laisser sa peau, elle savait que les temps étaient durs. Elle savait tout ça. Comme elle savait qu’elle devait rester à l’abri, que sa famille voulait tout simplement la protéger. Mais qu’y avait-il à protéger si ce n’est une coquille vide ? Erika ne savait plus quoi penser depuis les funérailles de l’archonte. Les batailles, les morts, la mort qu’elle avait infligée à cet homme. Elle n’avait pourtant pas été douée, elle avait juste survécu on ne sait comment -probablement grâce à Orylea-. Heureusement que Petrichor avait été là pour la longue estafilade sur sa jambe et pour son esprit.

Elle se souvenait encore du regard de son assaillant qui s’éteignait.
Elle en faisait encore des cauchemars.

C’était normal, avait-on tenté de lui dire, c’était tout récent. Mais Erika, elle pensait pouvoir tout vaincre, même ses faiblesses. Et pourtant, ça la hantait. Ça et tant d’autres choses.

Elle se retrouva étrangement devant la chambre de sa mère. Cette dernière n’avait pas été blessée, heureusement, et Erika se languissait de pouvoir la serrer dans ses bras. Elle aimerait pouvoir lui dire tout ce qu’elle a sur le cœur, se confier à quelqu’un. Mais sa mère restait aussi l’impératrice. Et l’impératrice ne devait pas tout entendre.

La princesse se sentait perdue. Isabeau était de nouveau occupée à ses devoirs d’héritière et elle, elle devait trouver quoi faire pour s’occuper. Encore une fois, elle se sentait délaissée. Elle avait pourtant vu une étincelle de fierté dans le regard de son père, mais elle ne savait plus si elle l’avait rêvé ou si ça s’était bien passé.

Alors, elle entre dans la pièce. Elle n’y était plus entrée depuis un moment. Sa mère n’était pas là et Erika laissa la porte entre-ouverte. Elle ne comptait pas fouiller dans les affaires de sa mère. Ses doigts passèrent sur le bois du lit, puis sur la commode où elle rangeait ses robes – robes que Erika trouvait magnifique-. Elle s’arrêta devant le miroir puis devant la fenêtre. La chambre manquait de personnalité, comme si elle avait décidé de ne plus la personnaliser. Comme si elle n’était plus vraiment là.

Elle le sentait, que sa famille se déchirait petit à petit.

Ils font bonne figure, tous, mais restait-il encore un peu d’amour entre eux ?
S’aimaient-ils encore les uns les autres ?

Erika savait qu’elle les aimait, tous. Qu’elle craignait qu’il leur arrive quelque chose. Ils devaient sans doute penser de la même manière. Alors pourquoi se déchiraient-ils sans cesse ? Pourquoi les jumelles n’avaient-elles pas trouvé leur place dans cette histoire ?

La princesse s’arrêta devant un tiroir qui, elle le savait, contenait la couronne de sa mère. D’or et d’argent, serties de petites pierres précieuses mais aussi de plus grosses, elle brillait encore. Le cœur battant, Erika la toucha délicatement avant de la prendre dans ses mains. Elle tremblait un peu en la regardant et la tournant délicatement afin de l’observer sous toutes les coutures. Erika se dirigea vers le miroir et posa avec douceur la couronne sur sa tête. Elle se mit à rire, à sourire avant de verser des larmes qu’elle ne pouvait arrêter.

Elle ne la porterait jamais.

Condamnée à n’être qu’une ombre derrière sa sœur. Et n’être rien d’autre que ça. On l’oubliera quand Isabeau montera sur le trône, on la mettra de côté, l’enverra au loin pour éviter qu’elle ne fasse un quelconque esclandre. Elle finira seule, entourée d’une famille qu’elle ne voudra pas et d’un mari qu’elle détestera. C’est l’avenir qu’elle s’imaginait. A partir d’une couronne simplement posée sur sa tête.

Erika ne parvenait pas à accepter l’avenir qu’on avait tracé pour elle. Elle se le refusait. Parce que sinon, pourquoi se battrait-elle ? A quoi servirait-elle si elle n’arrivait même plus à mettre son père en rogne ? A quoi servirait les leçons d’épée de son oncle ? Elle ne parviendrait même plus à faire sourire Isabeau. A quoi servirait-il qu’elle reste en vie si elle n’avait plus rien en quoi croire ?

A quoi servait-elle ?

Elle tomba à genoux, la couronne vissée sur sa tête et posa ses mains sur son visage baigné de larmes. Elle était belle, avec cette couronne. Elle lui allait bien. Mais elle ne lui reviendrait jamais. Elle n’osait même plus se regarder dans le miroir, laissant ses sanglots éclater.

Qui était-elle, au fond ?
Sans cette colère, cette injustice collant à ses tripes.

Que pouvait-elle bien devenir si on le lui retirait ?

Sa vie lui sembla bien terne tout à coup, mais elle n’était pourtant pas prête à accepter tout ça. Cela ne renforçait que son envie de s’enfuir, de retrouver les extérieurs du château et peut-être même la ville. Elle trouverait un moyen, puisque de toute façon, elle n’avait que ça à faire.