affrontement - groupe 4

"Me pleureriez-vous, si je crevais d'épuisement la tête entre les oreillers et les yeux exorbités ? Une silhouette passa à leur proximité, et en lieu de réponse, Petrichor ria tranquillement, n’osant lâcher une vacherie supplémentaire, tant qu’elle était à portée d’autres oreilles. La vision qu’elle en avait, pourtant, était délicieuse. Ou souririez-vous sans fin ?" Elle appuya son index dans le biceps du seigneur, comme pour lui signifier qu’il avait visé plus juste. "Avec une coiffe pareille, vous pourriez aisément cacher et votre joie, et tout Atalan. - Et bien, figurez-vous qu’il y a—" Petrichor fut coupée dans son récit, lorsqu’un cri derrière eux retentit.

A cause de son imposante coiffe, elle mit du temps à faire volte-face, que déjà la foule s’enfuyait de toutes parts, la bousculant sur son passage. "Que se passe-t-il ?" geignit-elle, en crispant davantage sa prise autour du bras de Corvo. Elle découvrit le corps abandonné quelques mètres plus loin, sur lequel trébuchait la foule en déroute.

Lorsque Petrichor voulut ramener son regard voilé sur Corvo, elle découvrit l’homme qui leur barrait la route vers la sortie, le visage dissimulé comme le sien. Le général s’était dégagé de sa prise, pour porter assistance au reste de sa famille.
"Oh, vous n’oseriez pas…" siffla-t-elle à l'intention de l'anti-magie, le cœur cognant dans ses oreilles. D’un geste lent, impérieux, elle allongea les bras, ses lèvres écrasant des syllabes d’un autre langage. Soudain, les lianes de lierre de sa coiffe se mirent à onduler dans les airs, comme autant de serpents sournois, dardant leur fouet en direction de son adversaire.

Une inflexion supplémentaire dans sa voix, rauque, ancestrale, et les lianes fusèrent sur l’homme courtaud.
Le bruit qui trancha la chair, cependant, provint d’une lame. Celle de la lance du rebelle qui, sentant la magie suinter de la Magrielle, avait projeté sa lance, dont le fer venait de se planter dans le flanc droit de Petrichor.
De sous le voile noir qui lui recouvrait le visage, Petrichor, les yeux révulsés par la douleur, jura : "Merde …"

La calme atmosphère du deuil avait changé. Elle s’était satinée d’une odeur autrement plus vive ; celle du sang. Et ce sang fit pousser des cris, et ces cris firent se pousser entre eux autant de corps que de rangs, et ce fut bientôt toute la salle du trône qui grouilla de panique. Corvo entendit à peine Petrichor lui répondre, sa voix de miel piquée d’épines soudain engloutie par la cacophonie générale. Ils furent bousculés par des convives, puis des assaillants, et avant qu’ils ne réalisent ce qui se passait vraiment, des guet-apens se formaient. Un grondement désapprobateur s’échappa des lippes pincées du général, qui voyait tour à tour les ennemis se placer. Ses réflexes se tournèrent instinctivement vers Isabeau, lâchant sans s’en rendre compte le bras de Petrichor.

Ses grandes jambes réduisirent la distance entre lui et sa nièce, qu’il attrapa par le bras pour la retenir au milieu des flots d’angoisse. “Reste avec moi.” Dominant d’une bonne tête la foule, l’oncle chercha ensuite du regard le reste de leur famille. Il ne vit que Ciryon, ce qui le fit gueuler un “PROTEGEZ L’EMPEREUR” aux gardes présents, vocifération autoritaire pourtant difficilement audible au milieu des autres cris et autres foulées volubiles.

Il continuait de garder Isabeau près de lui et de lancer d’autres ordres à d’autres gardes lorsqu’un mouvement sur la droite attira son attention. Confusément, le général vit le lierre de Petrichor se lancer par magie sur son assaillant, puis une lance répondre aussitôt à l’attaque végétale. Le coup qu'elle prit arracha un énorme rictus sur la gueule de Corvo, qui s’entendit expirer comme s’il l’avait lui-même reçu dans son flanc. Il fit volte-face, entraînant Isabeau avec lui.

“Quelle godiche vous faites,” souffla-t-il à Petrichor, terriblement en colère pour mieux cacher l’inquiétude. Il captura brièvement les billes bleues et luisantes de douleur dans son regard écarquillé, sans prendre le temps d’observer la plaie ; ils ne l’avaient de toute façon pas, puisque le purificateur avait repris sa lance pour lui et se préparait déjà à réattaquer. “Reste avec elle,” adressa-t-il cette fois à Isabeau, préférant se contredire le temps de neutraliser l’ennemi plutôt que d’entraîner sa nièce dans cet affrontement.

Il la lâcha, avança de plusieurs pas vers l’avant, obligeant l’autre à reculer et dévier de la trajectoire des deux femmes. “Mais tu trembles mon bonhomme ! Première fois ?” Un grand sourire glacial avait écarté les lippes de Corvo, par lesquelles il déversait son ton provocateur et peu impressionné. Lui n’était pas venu armé, et il gagnait du temps comme il le pouvait pour trouver une façon de désarmer le purificateur ; une entreprise laborieuse puisqu’il s’était doté d’une lance, et que toute approche serait reçue par d’autres coups à distance.

Quelques mots sortirent du gosier moqué, autant d’injures fanatiques que le général laissa couler sans y prêter attention. Il était bien trop occupé à trouver un moyen de faire diversion ; puis la coiffe de l’archiatre lui revint en mémoire, immense, encombrante, littéralement déstabilisante.

Il revint sur ses pas uniquement pour la subtiliser à Petrichor. Avec ou sans son aval, il récupéra l’objet cérémonieux, découvrant complètement la magrielle. Il s’abstint de consulter son visage qu’il devinait au mieux digne dans la douleur, au pire contorsionné, et revint vers le purificateur qui chargeait déjà. La coiffe en avant, il réceptionna la lance au milieu des bois de cerf, l’y piégeant pour bloquer le mouvement vers le sol. Puis il asséna un coup de pied brutal à la mâchoire qui envoya le purificateur à terre. [roll] Sa tentative de récupérer la lance fut infructueuse, trop bloquée au milieu des bois de cerf et des satanés végétaux magriels. Il abandonna le tout et se rua plutôt sur l’assaillant à terre, fondant sur lui de tout son poids. [roll] Un coup dans la gueule le reçut, [roll] éclatant son nez qui pissa de rouge et encrassa un peu plus les nobles dalles de la salle du trône. Le petit homme était nerveux et il avait raison de l’être ; lorsque le général revint vers lui ce fut une pluie de poings qui s’abattit sur le purificateur. Il s’arrêta à temps pour le garder vivant, et pouvoir le cuisiner plus tard au doux son de la torture.

Lorsqu’il se releva, Corvo eut le tournis et vit des étoiles danser devant lui, ce qui ne ramollit pas sa prise sur le col de l’ennemi qu’il tenait comme on tient un sac. Il cherchait Petrichor et Isabeau, qu’il espérait être restées non loin de là.

La princesse s'était retrouvée séparée de ses protecteurs attitrés. Nul doute que la situation donnerait lieu à de sévères réprimandes et que des têtes allaient tomber, maintenant très littéralement. Et ce qu'Isabeau Helemys s'en sorte saine et sauve, ou bien les pieds devant. Vraiment, c'était à se demander si les gardes n'étaient pas dans le coup d'une manière ou d'une autre… Hypothèse paranoïaque qu'il faudrait explorer plus tard, l'urgence se trouvait d'abord dans le fait d'assurer sa survie, et celle des gens autour d'elle.

Elle avait cherché désespérément des yeux Erika et leur mère dans la foule alors que Corvo l'entraînait avec lui. Son père était l'Empereur, en conséquence c'est lui qui devait être le plus protégé. Du moins c'est ce qu'elle croyait jusqu'à entendre le cri presque désespéré de son oncle. La situation était bien pire que ce qu'elle avait imaginé.

Et elle ne fit que s'empirer.

Demoiselle feulait et crachait violemment en direction de l'homme court sur pattes, le défiant d'approcher de sa soeur d'âme beaucoup trop vulnérable à ses risques et périls. Pas que l'hermine soit une vision bien intimidante comparée à un gros chien. Corvo s'occupait du fanatique, Demoiselle participait comme elle le pouvait et Isabeau elle s'afférait auprès de Petrichor. Elle n'arrivait pas à estimer l'ampleur et la gravité de la blessure, on ne l'avait pas formée pour ces choses-là, mais il lui apparaissait clair qu'elle ne pouvait pas laisser le sang couler ainsi.

Au diable les apparences, d'un mouvement sec déchira le bas de sa robe, tachant d'en tirer une bonne largeur alors qu'elle révélait ses jupons. De quoi donner un infarctus immédiat à bon nombres de ses précepteurs et membres de la Cour particulièrement attachés à l'étiquette. Ils pouvaient tous tomber raide morts. Isabeau elle tenta de faire un bandage de fortune à la Magrielle. Il fallait appliquer de la pression à la blessure, elle avait vu Erika se faire soigner de suffisamment de coupures et autres bobos pour le savoir. Il fallait espérer que cela suffirait.

Corvo était sonné par le coup qu'il venait de recevoir à la tête. Petrichor était blessée au flanc. Isabeau était la seule encore intacte et pleine possession de ses moyens. Elle ne pouvait pas rester désarmée.

-Je reviens, dit-elle à l'intention de la Magrielle avant de s'élancer vers la coiffe de cette dernière.

Elle eut l'impression d'être un de ces héros retirant une épée légendaire d'un rocher en se saisissant de la lance, puis en réussissant là où Corvo avait échoué. Très bien, au moins le groupe ne serait plus aussi vulnérable. Et la princesse devait prendre des décisions, rapidement.

Son regard glissa sur le corps inconscient de leur agresseur, il ne resterait pas longtemps dans les pommes. Elle se tourna vers la Magrielle

-Seriez-vous capable de le ligoter avec votre lierre ?

Si elle n'était pas en état il faudrait trouver autre chose. Isabeau se tourna ensuite vers son oncle, encore à se remettre des coups reçus dans la bagarre et son nez pissant le sang. Elle s'approcha pour lui tendre un reste de morceau de sa robe, qu'il puisse éponger au moins un peu le saignement.

-Il ne faut pas rester ici.

Elle se sentait surprenamment calme. La peur et la panique semblaient être bien loin alors qu'elle se tenait devant son oncle dans une robe complètement ruinée, les mains couvertes d'un sang qui n'était pas le sien et serrées autour du manche d'une lance destinée à lui ôter la vie.

Petrichor avait les oreilles qui sifflaient. Elle n’entendait plus que sa respiration, ahanements trahissant les battements erratiques de son cœur. Une douleur aiguë remontait de son flanc, pinçant jusque dans sa poitrine, et le froid de sa peau brûlait sur la chaleur du sang qui jaillissait de sa plaie, invisible sur sa robe noire. Sa silhouette longiligne et brisée par le coup manqua de s’effondrer, lorsque le rebelle arracha sa lance à sa victime. Elle tituba, telle une araignée empêtrée dans une toile imaginaire.
La voix de Corvo fondit sur elle comme un oiseau de proie, comme un bouclier : "Quelle godiche vous faites, feula-t-il comme un animal blessé. Petrichor leva la tête, le rictus brisant le coin de sa figure tremblant : "Oh, fermez-la, messire, qu’elle rétorqua, la douleur rendant son venin moins féroce.

L’ombre épaisse qu’était le seigneur Corvo disparut de son champ de vision réduit par sa coiffe, et Petrichor sentit les bras d’Isabeau se refermer sur elle, pour l’éloigner de l’affrontement imminent des deux hommes.
Alors même que Petrichor levait un bras affaibli jusqu’à son front, afin de se débarrasser de sa coiffe, une main autrement plus puissante l’en débarrassa. Elle chercha le regard dérobé de Corvo, dont l’acier dardait son adversaire, telle la lame dont il était dépourvu.

Petrichor s’appuya sur Isabeau qui déchirait sa robe pour venir éponger sa plaie. Dans l’expression fiévreuse sur sa figure, l’archiatre eut un petit sourire reconnaissant. La princesse enroula le bandage de fortune autour de sa taille, appliquant davantage de pression sur la plaie, faisant preuve d’un sang-froid exemplaire.
Petrichor s’en voulait, mais elle était encore trop sous le choc pour savoir comment le manifester. Aussi, elle se laissait manipuler par la princesse, égrainant çà et là des conseils pour attacher correctement le linge.

"Je reviens, lui intima Isabeau, et Petrichor la regarda s’élancer sur sa coiffe, tombée par terre, dans les bois de laquelle la lance de l’hérétique était coincée. La princesse prenait les choses en main. "Seriez-vous capable de le ligoter avec votre lierre ?" Le regard de Petrichor tomba sur Corvo et le rebelle prolongeant son poing fermé.
Elle hocha de la tête, tendit de nouveau un bras plus tremblant, sur lequel ses longs cheveux blonds lâchés tombaient comme une cascade fantomatique. Une formule secrète anima de nouveau les branches de lierre qui sinuèrent jusqu’aux bottes de Corvo, remontèrent le long de ses jambes, et naviguèrent ainsi jusqu’au petit homme pour lui entraver pieds, bouche et mains avec une douloureuse fermeté.  

"Il ne faut pas rester ici." Le visage de Petrichor se crispa davantage, elle tourna la tête vers Isabeau. "Je ne peux pas courir, je suis navrée, votre Altesse, avoua-t-elle, la main pressée sur son flanc blessé.

“Non, il ne faut pas,” répondit-il à Isabeau. Pour elles deux. Lui avait sa place au milieu de la mêlée, eut même un geste vers la lance que sa nièce tenait comme pour la lui prendre. “Je vais vous escorter.” Il savait déjà dans quelle direction aller, connaissait le château qui l’avait vu grandir comme sa foutue poche, cela même si la bâtisse jetait depuis un sentiment détesté dans son cœur. Corvo connaissait aussi les portes dérobées et les boyaux secrets qui formaient la ventraille du castel. C’était dans l’une de ces cachettes qu’il comptait conduire la princesse héritière et la conseillère impériale.

Des prises à ses pieds immobilisèrent cependant son mouvement, laissant l’arme entre les mains habiles d’Isabeau. Le lierre grimpait sur lui comme s’il avait été un mur, forçant sa gueule ensanglantée à basculer vers le bas. Corvo eut un frisson qu’il ne sut pas réprimer, ainsi qu’une impression qu’il jugea désagréable sur l’instant ; lui qui n’était qu’une carcasse quasi vide, bonne qu’à guerroyer arme au poing, accueillait toujours la magie sur lui comme une aberration. Ou un impact céleste dont il ne méritait pas le contact. Son regard métallique et rendu humide par le coup dans son nez accompagna pourtant le mouvement des racines, jusqu’à les voir s’entortiller autour de sa prise pour la ligaturer. Un grondement d’approbation grimpa dans son gosier ; sa nièce avait eu là une très bonne idée, et la magrielle n’était pas une godiche comme il le lui avait aboyé sotto-voce. Loin s’en fallait.

“Je ne peux pas courir, je suis navrée, votre Altesse.” Corvo eut cette fois un regard pour les étoffes noires et moites qu’on devinait couvertes de sang. Impossible de savoir à quel point Petrichor était touchée ni à quel point la lame de l’ordure s’était enfoncée dans son flanc. Il n’avait hélas pas dix bras ; il lui fallait choisir entre la lance, son prisonnier, et l’archiatre. Son caractère va-t’en-guerre aurait volontiers choisi la lance pour aller embrocher des chapelets de purificateurs.ices mais il n’avait plus l’impétuosité irréfléchie de ses vingt ans. “Garde bien la lance entre tes deux mains Isabeau, fermement,” indiqua-t-il à sa nièce, lui montrant d’un coup d’index rapide les points de saisie où elle devait placer ses paumes. Au contraire d’Erika, il ne l’avait jamais entraînée, ne savait pas à quel point elle était à l’aise, ou pas, avec une arme de ce type.

“Vous pouvez le traîner à notre suite ?” demanda-t-il cette fois à Petrichor, parlant bien de l’adversaire qu’il avait relâché pour venir la soulever dans ses bras. “Avec votre lierre, ou que sais-je.” Des mots de butor et d’ignorant qui connaissait mal l’étendue de ses capacités. Il adressa un signe de la tête à Isabeau pour lui demander d’ouvrir la marche devant eux, de telle sorte à ce qu’il puisse avoir un visuel sur elle aussi. “Vers la statue d’Ases,” indiqua-t-il encore à sa nièce, la guidant au travers des marées paniquées et des combats qui faisaient rage comme la masse énorme et imposante qu'il était.

tl;dr:

L'état de Dame Petrichor inquiétait la princesse, elle n'était pas médecin mais elle savait que plus longtemps la magrielle resterait sans recevoir de soins pire serait l'issue. Heureusement Corvo prit l'initiative de porter la Dame dans ses bras, cela devrait au moins l'aider à épargner quelques forces et ne pas trop tirer sur sa blessure. C'était tant mieux.

La rousse hocha la tête en écoutant les instructions de son oncle, elle n'était pas la plus émérite des guerrières, loin s'en faut, mais ils devraient tous se satisfaire de ses compétences pour le moment. En espérant qu'elles suffisent.

Isabeau se doutait du passage que son oncle comptait leur faire emprunter, elle avait elle même passé une enfance dans les murs du palais à en explorer les moindres recoins et secrets accompagnée de sa soeur. Les mains serrés sur sa lance la princesse restait à l'affut du prochain danger qui ne manquerait pas de leur tomber dessus. Quelque chose lui soufflait que les Purificateur.ices n'avaient pas terminé de présenter leur numéro actuel et qu'iels avaient encore bien des cauchemars à leur présenter dans leurs manches.